« Les reines du bal », un roman férocement souriant de Corinne Hoex paraît aux Editions Grasset

L’écrivain et essayiste Charles Dantzig (que nous avons interviewé à de nombreuses reprises et qui fut récemment lauréat du Prix Balzac pour son roman « Paris dans tous ses états ») , dirige la collection « Le courage » aux Éditions Grasset. Il a eu la bonne idée de faire figurer à son catalogue le dernier roman de Corinne Hoex. Dans celui-ci le lecteur retrouve la verve, l’humour décalé, la férocité désarmante de la romancière chez qui l’ironie souriante est une des formes de l’élégance dont elle irradie. Autant dans sa poésie (notamment dans le dernier recueil Uzès ou nulle part, finaliste du dernier Prix de la Fondation Carême) elle explore l’émotion à fleur de peau, autant dans le roman (on se souvient de son « Grand menu ») elle plonge la plume dans une encre grise, dont elle allège l’amertume dans une palette d’aquarelliste et…de poète.

En filigrane de l’humour, Corinne Hoex laisse entrevoir cette sensibilité dont elle ne peut se départir. Au-delà de chacun des portraits courts qui composent le roman, le lecteur s’émeut comme s’il entrevoyait derrière les cheveux teints en bleu, les tremblements de la voix, la singularité des rancœurs ou des petites joies, le miroir d’une destinée dont nous oublions trop vite qu’elle est nôtre. La romancière, et c’est tout son art, nous invite au bout du compte (au bout du conte) à regarder ces vieilles dames comme elles sont et parce qu’elles ont été. A partager leurs révoltes, à revendiquer avec elles , la mémoire des plaisirs et des bonheurs anciens. A chacune des pensionnaires de la maison de retraite (ce mot qui sonne étrangement comme « défaite ») , la romancière restitue le passé qui se serait estompé si elles ne se révoltaient contre l’oubli et l’indifférence.

Le lecteur se laissera ravir et troubler par les anecdotes scandant la vie de la résidence des Pâquerettes. il rit et s’émeut en même temps des caprices, des souvenirs, des mélancolies, des rêves de Madame Prunier, Madame Spinette, Madame Pincemin, Madame Simonart, Madame Coppens, Madame Serein, Madame Goujon, Madame Chapelier…Elles composent, dans leur maison de retraite,  » « Elles forment un « petit peuple inquiet, mordant, radoteur, jaloux, égaré, arthritique et parfois un peu toqué ».

A la sortie du bal de Corinne Hoex, on ne regarde plus de la même manière ces reines auxquelles la romancière restitue une intense majesté.

Jean Jauniaux, le 4 juin 2024

Nous avons consacré plusieurs interveiws et articles à différents ouvrages de Corinne Hoex, notamment:

Les leçons de ténèbres , Tango, L’ombre de toi-même ,Décidément, je t’assassine etc…