Dans le cadre du Festival Musiq3 le Théâtre Marni accueillait le Collectif Meute et donnait à découvrir au public bruxellois PANOPTIQUE une création inspirée du Winterreise de Schubert. Sarah Théry, mezzo-soprano et exploratrice des genres musicaux dont elle excelle à les métisser dans des créations aussi originales que stimulantes a pensé ce spectacle comme une fenêtre ouverte sur des mondes fermés, les prisons et hôpitaux psychiatriques. Une démarche partagée avec la metteuse en scène Claire Pasquier, avec qui elle co-dirige le Collectif Meute et l’Ensemble Pompei qui signe les arrangements musicaux de cette réécriture électro-acoustique.
Devant nous le fruit d’un parcours artistique de deux ans menés dans des centres carcéraux et psychiatriques qui a reçu le prestigieux FEDORA EDUCATION PRIZE 2023.
PANOPTIQUE, est un spectacle du COLLECTIF MEUTE en partenariat avec POMPEI, conçu par Sarah Thery et mis en scène par Claire Pasquier d’après l’oeuvre originale Der Winterreise D.911 de Franz Schubert et Wilhelm Müller. Oeuvre collaborative construite avec des détenu.es des centres carcéraux de Warren Hill, Sequedin et Longuenesse et des patient.es des EPSM de Lille et de l’Oise.
Avec / Fabian Fiorini, Karim Gharbi, Quentin Manfroy, Gil Mortio & Sarah Théry
Conception / Sarah Théry
Mise en scène / Claire PasquierComposition / Franz Schubert et Ensemble Pompei Livret / Wilhelm Müller et participant.es
Création sonore / Gil Mortio & Sarah Théry Dispositif sonore immersif / Camille Giuglaris Scénographie / Clémence KazémiCréation lumière / Marco Giusti
Vidéo / Claire Pasquier
Assistanat vidéo / Ilounn Bahu
Régie générale & plateau / Bertrand SzymanskiRégie lumière & vidéo / Archibald Roulleau Construction décors / Opéra de Lille
FEDORA – Le Cercle Européen des Philanthropes de l’Opéra et du Ballet est une initiative co-financée par l’Union européenne, dans le cadre du programme « Creative Europe ». Association à but non lucratif elle s’est engagée à soutenir et à contribuer à l’avenir de l’opéra et de la danse en Europe. « L’association a été fondée en 2013 à Paris, sous la présidence de Jérôme-François Zieseniss, en hommage à Rolf Liebermann. L’objectif principal de FEDORA est d’encourager les artistes émergents à renouveler ces genres, rendant ainsi l’opéra et la danse plus accessibles, tout en favorisant l’émergence de nouveaux modèles économiques » peut-on lire sur son site.
LA MEUTE… Fondatrices de ce collectif, Sarah Théry et Claire Pasquier le présentent ainsi : « Le COLLECTIF MEUTE développe des créations pluridisciplinaires, horizontales, engagées et accessibles aux non-professionnels. Des œuvres collaboratives, immersives et participatives, réunissant artistes, citoyens et professionnels des domaines culturel, éducatif, social et de la santé. Le COLLECTIF MEUTE interroge les chemins de création et les formes de performance pour qu’ils soient des espaces de liberté, de co-construction et des outils de cohésion. Différents formats sont ainsi explorés : opéras participatifs, impromptus musicaux et théâtraux, performances électro-lyriques et installations in situ, utilisant les nouvelles technologies dans des dispositifs sonores et visuels immersifs. En cela, le COLLECTIF MEUTE contribue à développer l’accès aux arts du spectacle et aux musiques classiques et contemporaines. »
PANOPTIQUE: Créé au au XVIIIe siècle, ce terme désignait un nouveau concept d’architecture carcérale permettant à un seul gardien de surveiller l’ensemble de la population carcérale. Ce modèle pouvait également s’appliquer pour la surveillance des ouvriers dans les usines… Michel Foucault voyait dans ce système conçu par le philosophe Jeremy Bentham le modèle abstrait d’une société disciplinaire, axée sur le contrôle social. (Wikipédia)
C’est en 2022 que Sarah Théry a entrepris et développé l’écriture et la production de (EINE) WINTERREISE, une création polymorphe autour du cycle des 24 lieder composés par Franz Schubert sur des poèmes de Wilhelm Müller. Sarah Théry précise: « Il s’agit d’une œuvre collaborative et participative conçue et réalisée au cours d’un parcours de trois ans dans des centres pénitentiaires et des hôpitaux psychiatriques en France, en Belgique et en Angleterre. Panoptique, (EINE) WINTERREISE est l’occasion de faire entendre la voix de ceux dont l’espace s’est rétréci, de donner à la voix citoyenne une place de choix dans la création artistique. Une question centrale anime la recherche artistique, celle de notre confinement, intime ou sociétal, physique ou psychologique. »
C’est dans le cadre du Festival Musiq3-RTBF, que le Collectif Meute, avait programmé une représentation (une seule hélas) de PANOPTIQUE. Salle comble pour voir et entendre Sarah Thery , Gil Mortio, Karim Gharbi, Quentin Manfroy, Fabian Fiorini PANOPTIQUE au Théâtre Marni . Mis en scène par Claire Pasquier avec une scénographie de Clémence Kazémi et des lumières de Marco Giusti, le spectacle a littéralement hypnotisé le public.
Dans une scénographie et un décor incarnant l’enfermement, la solitude aussi bien que ces mouvements mélancoliques de l’esprit aliéné, surgissent visages, ombres, et voix. Les protagonistes du spectacle n’apparaissent pas si ce n’est derrière le voile translucide qui délimite les trois dimensions de l’espace et obture le « quatrième mur », celui qui au théâtre s’ouvre vers le public. Semblant rythmés par la tempête de neige et le vent d’hiver, résonnent des fragments de témoignages recueillis auprès de détenus. Ils nous disent l’absence d’issue, la solitude de l’enfermement. Les voix alternent avec la composition musicale qui ira cescendo juqu’au final bouleversant, ensevelissant sous la terre et la neige le personnage central incarné par Sarah Théry. Ce n’est qu’à ce moment qu’apparaîtront en ombres chinoises les musiciens accompagnant d’une sarabande fellinienne l’ultime violence et la mort.
Composé dans le sillage des confinements sanitaires de 2020, présenté dans l’environnement oppressant et délétère de la montée des extrêmes et des vocations liberticides, PANOPTIQUE résonne longtemps après la fin du spectacle. Il nous démontre, si besoin en était, combien l’art, la création, la liberté d’inventer de nouvelles formes à partir d’oeuvres redécouvertes, sont des instruments indispensables pour préserver une vigilance citoyenne et humaniste. Il est à espérer que ce spectacle trouve en de multiples lieux l’occasion de se faire entendre .
Jean Jauniaux, le 30 juin 2024
Un « teaser » du spectacle est proposé sur Youtube: https://www.facebook.com/watch/?v=1642945906508587&ref=sharing
Avec le soutien de / DRAC Hauts-de-France, Région Hauts-de-France, Direction interrégionale des services pénitentiaires, Métropole Européenne de Lille, la ville de
Lille et de la Maison de la Musique Contemporaine
Grâce à la mise à disposition du dispositif polyphonique Pré, développé par le centre XR2C2 IDEX, Université Côte d’Azur
En résidence à l’Opéra de Lille, Britten Pears Arts, la Barcarolle, Théâtre Monsigny, Pôle des Cultures Actuelles