Nous avions rencontré déjà la peintre Marie Desaulles qui nous a raconté son parcours d’artiste, sa formation, ses sources d’inspiration et les ateliers qu’elle anime à Saint Julien de Lampon. Une interview de l’artiste est toujours accessible à l’écoute sur le site .
Le visiteur y retrouvera l’énergie créatrice d’une artiste hors norme, transmettant à ses stagiaires ce que la peinture, mais aussi la réflexion sur celle-ci, lui ont apporté au fil des décennies. Dans le prolongement de la création et de la transmission, elle nous donne aujourd’hui l’occasion d’explorer davantage la méditation qui la porte ainsi à créer, à partager, à ressentir ce qui pourrait constituer l’essence de son art: l’émotion. Le site de Marie Desaulles est une première porte d’entrée dans cet atelier de vie et de conscience qu’elle incarne.
Aujourd’hui, elle publie un livre de partage, partage des émotions suscitées par la création au quotidien, partage des perpétuels changements que lui donne à voir « la Vie », partage aussi des mots entrelacés aux images de quelques unes des toiles dont les reproductions ornent le texte. Partage enfin de quelques pistes parcourues à travers l’art, chemins de traverse qui sillonnent la toile en autant d’énigmes qu’il s’agit d’apprivoiser…A moins que ce ne soit l’inverse et que le processus de création ne soit ce qui nous apprivoise, artistes ou simples spectateurs de l’oeuvre. Marie Dessaules invite le lecteur à poser le livre sur la table de chevet, pour y revenir au gré des soirs, y chercher un écho aux questions que l’existence pose à chacun. L’autrice « tente de souligner ce que l’aspect simple et banal des textes et images cache de profondeur et de sens subtil ». Elle nous invite ainsi, au-delà des mots et des tableaux, à chercher dans notre quotidien, dans notre contact avec la nature, avec l’autre, avec le temps, avec l’espace ce qui nous appartient et qu’elle nous aide à dévoiler. L’artiste s’interroge sur le lien entre elle , « l’artiste peintre créatrice et sculptrice de mots » et le « lecteur, le regardeur », mais surtout sur « la rencontre avec un texte ou une image ».
Le livre est une autobiographie artistique, un autoportrait émotionnel. Jouant sur l’allitération nouant « L’Étoile » à « La toile », Desaulles nous tend aussi un miroir. Elle est peintre, mais pas seulement. La vocation de transmettre est omniprésente dans son oeuvre, mais aussi, bien sûr, dans les ateliers où elle pose à ses stagiaires les questions qui la portent: « De l’imagination à la création », « L’élan », « L’Oeuvre d’Art », et surtout « Le beau, source de joie ». Elle invite le lecteur à se « laisser voguer avec l’innocence de la découverte », cette innocence qui seule permet « d’observer les signes offerts par l’invisible ».
Le livre, au fil des pages, dévoile sa triple structure: une très belle et inspirante anthologie picturale faite d’un choix d’oeuvres de Desaulles; une série d’injonctions au lecteur l’invitant à s’abandonner à la sensation plutôt que de s’enfermer dans l’intellect et le questionnement (alors, « la conscience perçoit l’extraordinaire à travers la perméabilité sensorielle »); des aphorismes chantant la spiritualité de l’art comme forme de vie pleine et de conscience d’une forme d’éternité. Le rapport à la création artistique devient l’expression d’une magie accessible à toutes et tous: elle « opère silencieusement pour qui sait regarder au delà de l’ordinaire, pour qui se relie à l’espérance, pour qui s’imprègne de la beauté ».
On devine l’importance de ce livre pour Marie Desaulles: il est à la fois un bilan (provisoire) d’une oeuvre qui se confond avec une vie, et un instrument idéal de transmission de ce qui fait de l’artiste un « passeur », un équilibriste, un « funambule » . Il y a dans le travail de Marie Desaulles une intensité poétique fulgurante. Chacune des oeuvres qu’elle nous donne à voir, provoque un enchantement qui, pour reprendre ce que Rimbaud disait de la nature, « n’est qu’un spectacle de bonté ».
La poésie , cette forme incandescente de la philosophie, inscrit sa lumière en filigrane de chacune des toiles de Marie Desaulles. C’est chez Rimbaud encore que nous irons chercher l’émotion qui transcende ce livre: « Je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges »
Jean Jauniaux, le 19 juillet 2024
Le livre de Marie Desaulles est disponible par le biais du site de l’artiste