Professeur de philo et animateur des « Mardis de la philo », Frank Pierobon consacre son dernier ouvrage en date à une nouvelle exploration de « La Caverne » de Platon. Cet « Oeil solaire » bénéficie à n’en pas douter de la double expérience d’enseignant et de conférencier de l’auteur, soucieux d’éviter, tant que faire se peut, un langage trop « technique » ou abscons. Moyennant bien sûr un effort – qui fait partie du bonheur de déchiffrer ou défricher la philo – le lecteur non spécialiste mais intéressé par une réflexion sur la pensée, le langage, le signe, l’image trouvera dans cet essai matière à nourrir sa curiosité. Pierobon a voulu resituer le texte de « La caverne » dans le contexte historique de l’époque où ce texte a vu le jour. Wikipedia nous rappelle le contexte : « L’allégorie de la caverne est une allégorie exposée par Platon dans le Livre VII de La République. Elle met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine qui tournent le dos à l’entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d’objets au loin derrière eux. Elle expose en termes imagés les conditions d’accession de l’homme à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins difficile transmission de cette connaissance. »
En allant aux origines de ce texte, en le resituant dans l’environnement culturel et scientifique de l’Athènes de Platon, Pierobon y décèle une indéniable modernité.
Edmond Morrel, Bruxelles le 1 décembre 2015
Nous avions rencontré Frank Pierobon à plusieurs reprises. Ces interviews sont toujours accessibles :
Pour les anciens Grecs, le regard est hélioeidès. Il émet un flux visuel de nature lumineuse qui se conjoint à la lumière solaire pour rendre visibles les choses éclairées. Il est aussi, loin de tout miroir, le moyen – grâce au regard d’autrui recroisé avec le sien propre – de s’attester mutuellement de son existence. En tenant pleinement compte de ces conclusions, avancées par des spécialistes de l’histoire de l’optique et de l’iconographie, Frank Pierobon propose une relecture philosophique de l’Allégorie platonicienne de la Caverne dont les conséquences, multiples, ouvrent à une compréhension renouvelée du plus fameux des mythes platoniciens.
Ce gain interprétatif est mis à profit dans la seconde partie de L’oeil solaire, où sont réévalués philosophiquement le refus très marqué d’un Socrate par rapport à l’écriture et son articulation avec sa propre réincarnation scripturale, le dialogue, forme littéraire tout à fait nouvelle pour l’époque. Frank Pierobon met ainsi en lumière la double valence de l’écriture platonicienne, à la fois testimoniale – redonnant vie à Socrate pensant – et eidétique – réactivant le mouvement débordant de la pensée à partir de la figure du philosophe. Il propose ainsi une réflexion novatrice sur la pensée selon qu’elle naisse du dialogue et de la vie (où l’échange de regards joue un rôle essentiel) ou bien de l’écriture.