Daniel SOIL, L’année nonante, M.E.O., 2025, 105 p ISBN : 978-2-8070-0528-0
L’année nonante est le cinquième titre de Daniel Soil publié au catalogue des Éditions MEO, à propos desquelles l’occasion nous est donnée ici une nouvelle fois de saluer le travail, mettant à disposition du public des auteurs dont la voix se fait entendre avec une belle résonance comme, pour ne citer que des écrivains récemment publiés, Jean Yvane, Henri Roanne-Rosenblatt, Jean-Pol Hecq, Claude Donnay… Soil avait publié notamment En tout, roman à propos duquel nous avions interviewé l’auteur, un entretien toujours disponible à l’écoute sur le site Espace-livres, de même que l’entretien à propos de Inéluctable (Éditions IN8)

Avec ce dernier roman en date, l’écrivain explore une nouvelle fois la veine autobiographique. Le récit se nourrit de l’expérience de l’auteur, observateur attentif des bouleversements géopolitiques survenus en Europe (on disait encore « de l’Est » dans les années 90…). Celles et ceux qui visitent régulièrement les pages de l’auteur sur les réseaux sociaux, ont pu par le biais de très belles photographies en noir et blanc suivre les pérégrinations de l’auteur et de sa « Signora » (comme il appelle le personnage féminin central de son « roman ») dans la chronologie révoltée de cette décennie.
Le narrateur, Stephan, à l’invitation d’amis tchèques, prend le train pour Prague où il séjournera chez Petr et Anna. Là l’attendent les événements que la chute du Mur de Berlin accélère de façon vertigineuse : la fin soudaine d’un monde, d’une idéologie, d’une illusion. Homme de culture, le romancier ne manque pas de partager avec nous les noms de Jacub Ryba, Léo Perutz, Max Brod, Franz Werfel, ces noms que l’on retrouve ou que l’on découvre. Le voyage à Prague s’achève avec deux certitudes : le narrateur veut retrouver la Signora, cette femme aimée et quittée huit ans plus tôt ; l’année nonante est la première de ce que le romancier appelle bellement « la Première Paix mondiale ».
Sur les traces d’une photographie figurant dans une biographie de Marguerite Yourcenar, Stephan et La Signora qu’il a convaincue de l’accompagner et de renouer avec lui, entreprennent ce qui constitue le deuxième volet du roman : se rendre en Grèce, en passant par la frontière de la Yougoslavie au bord de l’éclatement. La contrainte de l’autobiographie (et l’entrave que celle-ci impose à la fantaisie de la fiction) semble se libérer ici. La sensualité de la relation amoureuse s’exacerbe au fil des étapes dans une Europe centrale dont on sait qu’elle fut une formidable poudrière…L’envol en montgolfière des protagonistes, tandis que la carte d’Europe qu’ils survolent s’embrase, libère chez l’écrivain un lyrisme romanesque auquel il aurait pu s’abandonner plus tôt, tant cette liberté symbolique de l’écriture romanesque semble lui convenir et l’exalter.
Jean Jauniaux, le 18 septembre 2025
Sur le site des Editions MEO
Cette année commence le jour où, à la surprise générale, un opposant fameux au totalitarisme prononce à la radio tchèque le discours officiel de nouvelle année. Le pays est tout juste sorti de sa période glaciaire. Le narrateur, invité à Prague par des amis, assiste à l’événement, qui, pour lui, annonce une paix durable, une ère nouvelle faite « de respect des frontières, d’accord sur ce que sont les droits humains ». Hélas, la même année s’achèvera dans l’inexorable fracas d’une belle utopie, la Yougoslavie multiethnique, où des peuples fort semblables avaient tenté de vivre dans la concorde et l’unité. Entre-temps, un couple, naguère né dans une salle des profs, va se retrouver pour de bon et se glisser dans le sillage de l’Histoire.