« Balades dans les pas du poète » , de Kate Millie, la dernière livraison de « L’article » (Lamiroy) consacrée à Verhaeren

Sur le site des éditions Lamiroy, la collection L’Article s’enrichit chaque mois d’un texte court consacré à un(e) auteur(e) ou un(e) artiste et abordant un aspect de sa vie ou de son oeuvre . Le dernier en date est signé Kate Milie.

Le catalogue compte à ce jour 20 titres consacrés à Stephen King, Jacques De Decker, Arno, Victor Hugo,Bernard Werber ,Camille Lemonnier, Jean-Patrick Manchette, Bob Marley, Julos Beaucarne ,Marguerite Duras ,Marc Levy ,Jean Ray , Jim Morrisson, Henri Vernes,  Emmanuelle Arsan,Eddy Mitchell , Arthur Conan Doyle , Pierre Rapsat, Émile Verhaeren …

Les prochains titres sont un G. K. Chesterton confié à jean-Baptiste Baronian et un Marcel Proust auquel l’éditeur Eric Lamiroy a choisi de se consacrer. La lecture du dernier livre, consacré à Verhaeren, donne l’occasion à L’ivresse des Livres de saluer cette occasion donnée tant à des auteurs qu’à des lecteurs de (re)découvrir en quelques pages l’envie de retourner vers les oeuvres évoquées, vers la biographie des auteurs racontés ou sur un moteur de recherche pour en connaître davantage.

Kate Milie ne dément pas le titre qu’elle a choisi pour son opus « verhaerenien », aller dans les pas du poète permet au lecteur de visiter Saint-Amand, Bornem, Bruxelles (Musée fin de siècle notamment), à Gand, Anvers, Saint-Cloud, Roisin (au Caillou-qui-bique), sur le front de l’Yser, mais aussi sur les plages de Knokke, Blankenberghe, Westende… A chaque étape, Kate Milie nous décrit un moment de l’oeuvre et de la vie du poète, cite l’un ou l’autre fragment de ses recueils de cette poésie  » magnifique. Musicale. Lyrique. Vibrante. Imagée. », textes du poète aux « engagements vigoureux, intemporels (qui) ont secoué plusieurs générations. »

Avec elle, nous déplorons que Emile Verhaeren soit « tombé dans un oubli presque abyssal ». Il a pourtant « beaucoup à dire à notre modernité. »

Kate Milie est familière des balades littéraires qu’elle anime à partir de ses romans. Pour « L’article » elle ajoute à la balade une dimension ludique et créative en ouvrant « dix pistes créatives, situées en fin de parcours, permettant aux lecteurs (de tout âge) de s’approprier l’oeuvre de l’écrivain à travers des jeux d’écriture, des dessins spontanés et des collages »

Quelle belle manière d’inviter à ouvrir l’un ou l’autre des livres ou recueils de Verhaeren.

Jean Jauniaux, le 9 mai 2022

Un repentir…

En deux occasions, dans les chapitres « au Caillou Qui Bique » et « à Saint Amand », L’article de Kate Milie aurait pu évoquer la figure de Louis Piérard que le poète des Villes tentaculaires encourageait de son amitié et de sa ferveur. C’est Piérard qui organisa, après la guerre, le site funéraire du poète à Saint Amand, Piérard désespéré d’apprendre l’accident mortel dont le poète fut victime en gare de Rouen. Il était à Londres lorsque la nouvelle lui parvint et écrivit dans « La Belgique sous les armes » (Perrin, 1917) ces lignes que le chagrin lui inspirait et que L’ivresse des Livres ne résiste pas à copier ici :

(…) je revois, l’ami, le maître vénéré, le dos légèrement voûté, le poing droit bien serré appuyant sur la paume de gauche, les cheveux grisonnants, le mâle et clair visage et les yeux bleus qui rêvent derrière le lorgnon. J’entends sa voix âpre et douce à la fois, son bon rire d’enfant à peine contenu. Il conte, il s’enthousiasme. C’est là-bas, au pays qui souffre et qui espère, en Hainaut, dans les bois, la petite maison, parmi les roses et les glycines. Voici la chambre : aux murs les livres jaunes et les tableaux aux tons joyeux. C’est là que je le vis pour la première fois. De la fenêtre on aperçoit le raidillon qui serpente parmi les hauts arbres de rêve. Nous regardons silencieux le beau soir d’or. Nous attendons le chevalier errant…Nous évoquons dans la campagne immense, le poète appuyé sur le bâton noueux et cape aux épaules. Il parle aux paysans familiers. Il montre des clochers, des arbres solitaires, un blanc calvaire au bout d’un sentier sinueux. Il est le grand berger de l’horizon, des bois roux, des labours violets, du ciel pâle où tremblottent les premières étoiles. Terre de France et de Belgique c’est ici qu’a rêvé ce Flamand au grand cœur. Je le revois encore dans une usine énorme; brusquement il se jette à plat ventre pour voir le jeu d’une machine. Je revois des mineurs l’écoutant fascinés (…) (Louis Piérard, La Belgique sous les armes et sous la botte, Librairie académique Perrin, Paris, 1917)

Un prochain article? Pourquoi pas consacré à Louis Piérard?