Dans la sonothèque d’Edmond Morrel, nous avons réécouté cette interview de Julos Beaucarne, enregistrée chez lui, à Tourinnes. A l’occasion de la parution de « Mon petit royaume », un guide « à mi-chemin » de la vie du poète, Julos nous parle d’écriture, d’Ecaussinnes, de poésie, de la vie, la sienne et celles qui l’ont traversée. Voici ce que nous écrivions à l’époque (mai 2009) et l’enregistrement de cette rencontre.
Rencontrer Julos, c’est comme partir en voyage…avec lui, aller vers le voisin immédiat, ou l’ami lointain, aller dans le passé et se projeter dans les utopies de demain, vivre le présent en écrivant… Il les appelle les « trois frères ennemis » : passé présent et avenir (« Ils sont partis les souvenirs »). Edmond Morrel lui a proposé de parcourir un bout de ce chemin de textes, en parcourant aux étapes, comme un guide « mi-chemin », le recueil de ses textes où le lecteur peut aller faire sa cueillette de poésie, de lumière de 1964 à l’an neuf…2009… Julos comme tous les grands artistes est un homme à l’écoute, aux aguets de l’air du temps. Il n’épargne pas sa révolte, il la transforme en chansons ou en textes dits. L’écriture est, pour lui,le métier sur lequel cet artisan de l’humanisme remet quotidiennement son ouvrage. Il a la voix douce, mais c’est pour qu’on l’écoute mieux. Son dernier livre , « Mon Petit Royaume », ce sont des univers à chaque page, à chaque ligne. C’est une invitation à franchir le seuil de la poésie de ce grand monsieur de l’écriture.
Dans un de ses poèmes (« Je rêve d’un concert »), il écrit :
« je rêve de passer ma vie
à aller rendre visite à tout un chacun
chez lui, à l’écouter »
C’est ce que nous avons fait, un mercredi après-midi, chez lui à Tourinnes. Le matin, Julos était encore à Paris où il avait enregistré une chanson pour un CD de Gilles Vigneault. Il évoque à cette occasion le disque « Ils chantent Julos Beaucarne » sur lequel se mêlent les voix de Nougaro, de Dunker, de Pauline Julien, de José Van Damme et d’autres encore qui interprètent l’enfant d’Ecaussinnes. Ecoutez Claude Nougaro lire « La lettre ouverte » que Julos écrivit au lendemain de l’assassinat de Loulou, en 1975, à la Chandeleur, cette année-là, où « la terre a mis son drapeau noir », celle où « le vent a balayé la vie de sa toute belle, loulou… »
Il nous parle de ce voyage-là, de ce voyage dans l’extrême, de cette échappée de l’anéantissement, où sont nés les mots d’une lettre que personne ne peut oublier.
Mais on a commencé le voyage par un lieu, Ecaussinnes, une géographie : celle du Hainaut, de la musique de la langue wallonne, Ecaussinnes dont Julos dit : « dans mon cœur t’es plus grande que l’océan… »
Mais le voyage ce sont aussi des lointains que les mots nous chantent, avec des blizzards
« Faut-il partir pour le polaire
Horizon et rapporter
Le saxifrage du Spitzberg
Dans du papier glacé » ou avec le Mistral…
Le voyage c’est aussi la Provence…
« il y eut un temps
où je faisais prendre
l’air à mes chansons
en Provence »
Julos nous raconte ce temps-là où il chantait « devant de vieux murs des histoires d’aujourd’hui et d’hier »
Au fil des pages de ce très émouvant recueil alternent les textes et les photos, les poèmes et les chansons, les pochettes de disque et les dessins.
Une chanson c’est aussi un voyage…
« Moi mes chansons, elles voyagent »
« ce sont des enfants en voyage
qui de moi se ressouviendraient »
Et le voyage ce sont aussi les poètes…Dans l’album « Poésies du monde » se côtoient
Victor Hugo, René Guy Cadou, Gustave Nadaud, Madeleine Ley, Baudelaire,Nazim Hikmet,Raoul Duguay,Charles Péguy,Paul Verlaine,Eluard,Carco,Shakespeare,Charles Cros,Francis Jammes,Claudel,Musset, Apollinaire, René Char, Ramuz…
Ouvrez ce livre à n’importe quelle page. Le hasard fait toujours bien les choses quand il musarde parmi les 600 qui constituent le livre. Il n’y en a pas une qui ne soit enchantement.
Et puis, lorsque les yeux se lassent, glissez un cd dans le lecteur : « Le jaseur boréal », c’est le plus récent. Il parle d’un oiseau migrateur habitant dans la taïga…
Le voyage est incessant qui nous ramène à nous, au bout du chemin.
Edmond Morrel, mai 2009