L’artiste véritable est celui qui crée, d’oeuvre en oeuvre, un univers qui lui est propre, reconnaissable entre tous par la grâce singulière de la lumière dont il irradie. Que ce soit en musique, en peinture, en poésie ou en littérature, la magie opère. Miles Hyman appartient à ceux-là dont on reconnaît l’originalité du trait, la justesse de la composition, le bonheur de la narration dans chacun de ses tableaux, dans chacune de ses illustrations et, last but not least, dans chacun de ses romans graphiques.
Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion d’échanger avec le peintre franco-américain à propos de ces entrelacements entre les genres, peinture-bande dessinée, mais aussi, à propos des romans graphiques, de l’approche picturale du dessin, de cette manière de sublimer le récit par ce que chaque séquence nous en montre. Il y a à la fois, combinés dans un seul geste et un seul regard, tous les ressorts créatifs de la fiction illustrée. On pourrait comparer ce travail à celui d’une équipe de cinéma qui réunit, sur la feuille (ou l’écran de la tablette), tous les métiers: direction d’acteur, casting, directeur de la photo, décorateur, accessoiriste… Rien ne peut être laissé au hasard.
Dans ce dernier album en date, Miles Hyman démontre une nouvelle fois combien il maîtrise le sens du récit, en mettant cette maîtrise au service d’un romancier comme il fit, parmi d’autres, avec celle de James Ellroy (Le dahlia noir) . Mais le récit pour Hymans ne se restreint pas à ce qu’en écrivent les romanciers. Pour lui, un lieu, un espace, une silhouette, une lumière sont autant de récits qui enchantent notre regard. Souvenons-nous de son New-York , mais aussi de Images interdites où le peintre explore la puissance narrative d’images dont chacune est un tableau. N’expose-t-il pas régulièrement certaines des vignettes composant un album démontrant ainsi l’intensité de chacune des cases? Ne crée-t-il pas des affiches dont le format et l’exposition promeuvent dans l’espace public de grandes manifestations comme le festival Etonnants voyageurs (Saint-Malo, 2022) ou des salons du livre?
La parution de La vie secrète des écrivains en roman graphique était une occasion à ne pas manquer pour retrouver Miles Hyman et l’interroger sur son art…
Il évoque au micro de « L’ivresse des livres » le roman graphique « La vie secrète des écrivains » qu’il vient d’adapter du roman éponyme de Guillaume Musso (l’album et le roman tous deux parus chez Calmann-Lévy) . Quelle est la place du roman graphique dans l’oeuvre du peintre? Comment se partagent les deux types de création? Comment est né ce projet d’adapter le best-seller de Guillaume Musso?
Autant de questions qui constituent une visite guidée sonore de l’atelier de Miles Hyman, un artiste qui fait de chaque roman graphique dont il est l’auteur, une véritable oeuvre d’art. Parmi les nombreuses adaptations de romans ou nouvelles, il évoque volontiers un de ses albums majeurs, « La loterie » adapté d’une nouvelle de sa grand-mère l’écrivain américaine Shirley Jackson (Ed. Casterman).
Jean Jauniaux, le 21 octobre 2023.