Didier Decoin: une interview en forme de « master class » à l’occasion de la parution de son dernier roman, « Le nageur de Bizerte » (Grasset)

C’est à chaque fois un privilège de rencontrer Didier Decoin et d’évoquer avec lui ce qu’est la « fabrique » d’un roman. Il en parle avec jubilation et gourmandise, lui qui aime par-dessus tout les romans qui racontent des histoires, inventent des personnages, créent un univers romanesque à part entière, redonnent à la fiction ses lettres de noblesse. A chacun de ses livres (depuis l’irremplaçable Abraham de Brooklyn) la démonstration est faite: le roman est l’instrument multisensoriel par excellence.

Ci-dessous, le « pitch » de cette histoire telle qu’elle est présentée en quatrième de couverture sur le site des Editions Stock. Quelques lignes, comme des balises, avant de se lancer dans ce grand roman qui se lit d’une traite, comme si les 500 pages qui le composent nous hypnotisaient. Pour vous en convaincre, il y a aussi cet entretien que nous a accordé Didier Decoin. On y parle de fauteuils de salon de coiffure de la marque « KOKEN », de Tchékhov, de réfugiés ukrainiens, de La Cerisaie et de l’écrivain défenseur des droits de l’homme Korolenko, des locomotives Ovetchka, du trijambiste Francesco Lentini…autant de digressions qui font du livre un kaléidoscope scintillant et une véritable « esthétique » de l’Histoire, du destin de ses protagonistes et une caisse de résonance au coeur de laquelle résonne l’écho de l’actualité.

Jean Jauniaux, le 14 février 2023.

Pour écouter l’interview, il suffit de cliquer sur le lien vers la chaîne soundcloud de « L’ivresse des livres »

https://soundcloud.com/user-352723019/didier-decoin-une-interview-en-forme-de-masterclass?si=606ecb2d04564a55b68e13b703995eb8&utm_source=clipboard&utm_medium=text&utm_campaign=social_sharing

Sur le site de l’éditeur:

Nous sommes à Bizerte, en Tunisie, janvier 1921, sous le protectorat français.  
La vie serait presque douce pour le jeune docker du port de Bizerte, Tarik Aït Mokhtari, nageur longiligne et musculeux, s’il ne s’était heurté un matin, dans sa ligne de nage, à un obstacle infranchissable : il ne le sait pas encore, mais il s’agit d’un croiseur de bataille, survivant de la flotte impériale russe qui fuit l’irréversible et sanglante poussée des « rouges » et transporte à son bord toute une population d’exilés, de « blancs » aristocrates désormais appauvris, bousculés par le vent  de l’histoire. Mais il ignore la guerre qui divise la Russie. Il vit à Bizerte, il est beau et pauvre, il a une sœur désirable, une mère veuve. Ce destroyer est-il «  maskoun  » ? Hanté, habité par un djinn, infréquentable pour le docker aux longs cils ? D’où vient le navire fantôme couleur d’âme grise ? Quel est son nom ? Que cherche-t-il à fuir ? Quelles horribles scènes de pogroms, de fermes incendiées quand les soviets lancent « le coq rouge », pillent, tranchent au sabre et fusillent, quelles images hantent à jamais les passagers du  Georguii Pobiedonossetz  ? Depuis le 18 décembre 1920, les Russes sont confinés à bord des bateaux de guerre en rade de Bizerte. Des prisonniers flottants.  Tarik aurait été avisé d’en rester là. Mais, comme le chant d’une sirène, le docker entend soudain la voix d’une jeune femme, une voix de théâtre, et il aperçoit, chatoyante, sa robe de mousseline blanche, gonfler sur le pont du navire.A l’instant il en est captif. Yelena Maksimovna Mannenkhova, fille unique d’un riche baron, personnage qu’on dirait issue de  La Cerisaie, a la beauté fragile d’une porcelaine qui va se briser. Chaperonnée par sa tante Sofia, elle fuit la même horreur que toute une classe sociale gisant sans pouvoir s’en libérer dans les coursives d’un navire qui sera leur prison, et peut-être leur destin.
Tarik parviendra-t-il à la rencontrer ? Avant que le cosaque Bissenko ne tranche la blanche gorge de notre héroïne ? Avant que la sœur du docker ne se marie ? Avant que le monde ne referme les rideaux d’un théâtre pourpre sang sur ces deux innocents ? Vivront-ils ?