« le petit dernier de bout de route de philip roth »
Philip Roth, le grand old man du roman américain, a encore frappé ou plutôt , s’est encore frappé lui-même. Car en fait de bourreau de sa personne, il en connaît un brin. Non content d’être le fustigateur de sa propre société, l’étatsunienne, de sa propre obédience, à laquelle il n’est que fort peu soumis, au point d’avoir été traité, pour son livre « La contrevie », de Juif antisémite, il s’en prend désormais le plus volontiers à l’un ou l’autre de ses doubles. Car Roth a eu toujours la prudence, ou la ruse, de ne pas s’exposer directement à ses lazzis et à ses quolibets, mais de viser l’une ou l’autre créature, quelquefois à multiples occurrences, comme Nathan Zuckermann, sur lequel il s’acharne avec une férocité sans pitié.
Depuis quelques livres, il répète sans jamais lasser le même exercice de la pénitence. La transition s’est faite avec « La Tache » « The Stain », où l’affaire Lewinsky lui avait fourni l’occasion du passage de l’approche globale, celle qui avait présidé à ses grands romans politiques que sont « La pastorale américaine » ou « J’ai épousé un communiste » , au point de vue intimiste. D’un côté, une grande puissance qui s’effondre, celle d’un empire qui compense sa faillite objective par des ripostes disproportionnées à l’agression dont elle ne comprend pas qu’elle fasse l’objet ; de l’autre, un enlisement privé dans de petites intrigues d’antichambre où le moralisme hérité des pionniers qui voulaient se refaire une virginité se fracasse sur les appels de la libido.
C’est ce qui arrive au professeur de « La bête qui meurt », à l’écrivain d’ « Exit le fantôme », toujours Zuckerman, qui s’éprend d’une jeunesse, et maintenant du comédien en bout de course de ce petit roman (il ne fait que 130 pages au compteur) qui craque devant une quadragénaire qu’il a vu naître (normal : il a vingt-cinq ans de plus qu’elle) et qui tente à son contact de se remettre d’une liaison homosexuelle, sa partenaire ayant décidé de changer de sexe. Tant qu’à faire, elle préfère un homme garanti d’origine au produit d’une intervention chirurgicale.
On sent la satire d’une société qui n’a plus de nord magnétique. Simon Axler, le grand comédien en question, qui a perdu la grâce, se jette à corps perdu dans cette aventure absurde, qui n’est qu’un prélude à un autre appareillage, plus radical encore. On a l’impression que cette fois, le désespoir plein de verve et de sarcasme de Philip Roth a touché le fond. Comme s’il nous donnait désormais des récits d’au-delà du miroir. Il avait, en effet, avec « Everyman », un peu sommairement traduit par « Un homme », donné une moralité moderne, à savoir une tentative de confronter à ses fins dernières un homo occidentalis qui a décidément du plomb dans l’aile, même s’il en a conservé une bonne quantité dans la cervelle.
Jacques De Decker
« Le rabaissement » de Philippe Roth, Editions Gallimard.
Les « Marges » s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des « Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri » interprétées par Eliane Reyes
Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69
Référence : NAXOS 8.572530