« Beigbeder, ce célèbre inconnu »

« Premier bilan après apocalypse » de frédéric beidbeger, éditions grasset

« Beigbeder, ce célèbre inconnu

L’avantage de la trêve des confiseurs, pour le critique littéraire, c’est qu’on peut abandonner la littérature des cons faiseurs et partir à la recherche des confidentiels, ceux en qui on peut vraiment mettre sa confiance. La singularité du cas présent, c’est qu’il consiste à y aller voir du côté d’une icône de la littérature mondaine, d’un écrivain du tout Paris qui arrive même à ne pas se faire ridiculiser par Ruquier tout en ne sacrifiant pas à la démagogie suintante d’ « On n’est pas couché », l’émission qui se regarde en vérifiant que De Gaulle, contemporain de son irruption, avait sacrément raison lorsqu’il disait que la télévision était le chewing gum de l’œil.

Je veux parler de Frédéric Beigbeder. Homme de lettres qui a voulu se faire une silhouette comme Simenon et BHL l’ont essayé avant lui et qui y est parvenu, il me paraissait avoir atteint ce stade où la marionnette a définitivement évacué la personne humaine. Au point que ses livres semblaient n’être rien d’autre que des prétextes à gesticulation médiatique. Et de n’éprouver que de la méfiance à l’égard d’un bouquin paru l’été dernier sous le titre barnumesque « Premier bilan après l’apocalypse » et qui se prétendait un recueil de d’évaluations littéraires. Une estimation distraite avait été dissuasive : il se donnait pour un classement général présenté comme une proclamation finale de meilleur chef de cuisine dans un ordre qui aurait voulu maintenir le suspense en commençant par le centième du classement pour ne désigner le lauréat qu’à la quatre centième page…

La méfiance n’est pas toujours bonne conseillère : elle a retardé de presque six mois la lecture du livre, et empêché de découvrir l’un des meilleurs essais littéraires contemporains. Et d’inciter au surplus à relire Beigbeder à la lumière de son évident talent de lecteur, et de sa capacité savoureuse de faire partager ses goûts. Et jamais ses dégoûts, ce qui le différencie d’un Rinaldi, par exemple. On sent bien que Bobin, Delerm ou Michon ne sont pas sa tasse de thé, mais il ne s’attarde qu’à ce qui lui importe : ses délectations.

Et cela va de quelques confirmations autorisées de gloires notoires (Hemingway, Hesse, Sagan) en passant par des analyses enfin pénétrantes de succès encore insuffisamment élucidés (Kureishi, Sfaer, Bret Easton Ellis) jusqu’à des mises en évidence éclatantes de parfaits inconnus au bataillon (Pille, Blanchard, Bouillier) dont on ne peut que lui être reconnaissants : il a les mots qu’il faut pour rendre ces parfaits inconnus indispensables. C’est le propre des critiques de première force.

Il y a toujours une rédemption pour les vrais écrivains, même s’ils ont tout fait pour se dissimuler dans la pipolitude. Beigbeder, il faut y aller voir, au-delà du bling-bling et de l’esbroufe pour magazines. La récompense, ce sont cent livres qu’on a envie de découvrir ou de relire, à la lumière d’un guide qui a bien dissimulé sa compétence sous l’envers de la modestie : l’hyper-exposition.

Jacques De Decker, à Saint-Idesbald

Les « Marges » s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des « Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri » interprétées par Eliane Reyes

Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69

Référence : NAXOS 8.572530