Puisque tout aujourd’hui se chiffre, on s’est aussi attelé à déterminer quels sont les auteurs français , toutes époques confondues, qui se sont le mieux vendus au cours des dix dernières années, rien qu’en langue originale. Dans le peloton de tête se détache, devant Hugo, Dumas, Molière et les deux écrivains du siècle dernier qui se sont le plus distingués, à savoir Camus et Saint Exupéry, en grand triomphateur, Guy de Maupassant. Cela veut dire qu’il coiffe au poteau ses confrères prosateurs Stendhal, Zola, Balzac et Zola et en particulier son maître Flaubert. C’est une performance qui donne à penser, d’autant qu’un recordman notoire, Simenon, pourtant détenteur du plus grand nombre de titres, ne figure, lui, qu’en vingtième place, avec tout juste moins d’un million d’ouvrages vendus. Maupassant, lui, en affiche trois millions quatre cent mille. Si l’on prend en compte qu’il faut y ajouter les traductions dans toutes les langues, Maupassant est donc, statistiquement s’entend, l’écrivain français par excellence.
On peut s’en étonner pourtant. Il n’a pas inventé de mythes littéraires, ces silhouettes qui hantent notre imaginaire collectif, comme Madame Bovary, Rastignac, Julien Sorel ou le Petit Prince, pour ne pas parler des Trois Mousquetaires. Qui se souvient du nom de la protagoniste d’« Une vie », l’un de ses cinq romans ? Il n’est pas le créateur d’un univers littéraire qui engloberait la société toute entière, un vaste système comme en échafaudent « La Comédie humaine » ou « Les Rougon-Maquart ». Il est, de plus, et c’est ce qu’il y a de plus étonnant dans cette performance, moins un romancier qu’un nouvelliste. Sur ce point, cette performance bat en brèches une idée reçue et des plus tenaces : celle qui professe que le roman serait la forme fictionnelle par excellence. Maupassant n’est jamais meilleur que dans la forme brève, c’est même en publiant « Boule de suif » qu’il s’est fait connaître, pour devenir aussitôt, de son vivant, un écrivain fêté qui a pu se permettre de quitter le ministère où il était fonctionnaire et mener la vie qui lui chantait, à sa table d’écriture, bien sûr, mais aussi au fil des rivières et le long des côtés à bord de son voilier, dans les bras de ses innombrables conquêtes, et même dans les airs, puisqu’il adorait survoler les terres à bord de son ballon, qu’il avait appelé « Le Horla », titre qu’il donnerait aussi à ce bouleversant recueil qui chronique sa fatale bascule dans la démence.
Car Maupassant est mort jeune, et son œuvre témoigne d’un étrange prémonition. Son recours au récit rapide, serré comme un espresso, est le signe qu’il n’avait pas le temps de s’appesantir, qu’il ne pouvait pas se perdre dans les digressions. Il vivait pied au plancher, il annonçait « L’homme pressé » de Paul Morand, autre nouvelliste notoire, dont nous sommes devenus, en nos temps survoltés, des répliques malgré nous. En adoptant un mode de narration compatible avec notre rythme de vie, il s’est garanti, plus d’un siècle après sa mort, une place de choix au palmarès des lettres : la première.
Jacques De Decker
Les « Marges » s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des « Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri » interprétées par Eliane Reyes
Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69
Référence : NAXOS 8.572530