Le documentaire qu’Yvon Lammens consacre à l’œuvre de Colette Bitker nous a incité à aller à la rencontre de cette dernière pour évoquer avec elle la dimension littéraire de son travail.
Avec Une chemise blanche dans le Vercors et Lettre à l’autre, entrelaçant peinture et écriture, Colette Bitker va réaliser ce projet qui, incosciemment ou non, la hante depuis les premiers affrontements avec la formulation artistique : « Je rêve d’un livre »…ainsi ouvre-t-elle Lettre à l’autre. Elle poursuit : (…) « pour moi, écrire et peindre c’est lutter chaque jour contre la mort…Mais c’est aussi rêver ». Un écho venu d’Elseneur, des tourments d’Hamlet, semble envahir l’artiste au moment de débuter cette correspondance avec un interlocuteur qui ne sera jamais identifié. Seule je me parle et cela durera jusqu’à l’épuisement enchaîne-t-elle avant d’inviter le lecteur à entrer dans ce dialogue avec « l’autre », qu’elle interpelle d’un « Monsieur », bien décidée à m’adresser à cet ami absent (…) c’est aussi un chant que j’adresse à cet ami « fantôme » (…)
Trois ans plus tôt, Bitker entre en littérature avec Une chemise blanche dans le Vercors. Dans ce récit, dont chaque événement est évoqué par des fusains ou des aquarelles, Bitker interroge la mémoire de l’enfant qu’elle fut, en juin 1944, réfugiée dans le Vercors. Ce jour de juin 44 dont elle découvre, des décennies plus tard, qu’il fut à la naissance de sa vocation.
Sombre et noir/fut le Vercors de/la guerre/et/pourtant c’est de lui/qu’est née la lumière/dans mes tableaux…/ Je m’interroge encore ! s’exclame l’artiste au terme de ce livre émouvant qui transcende la mort, la guerre, l’injustice…mais y voit toujours linceul et océan dans lequel on se perd mélancolique et brisé.
Les deux livres de Colette Bitker sont publiés chez Michel de Maule. Nous avons rencontré Colette Bitker dans son atelier bruxellois où elle a évoqué, dans l’incessant chantier de ses toiles et dessins, l’entrelacement de la peinture et de l’écriture.
Jean Jauniaux, le 17 mai 2022