Le Maestro de Jean-Pierre Dopagne du 6 au 23 novembre 2025 au Théâtre La Valette
Les superlatifs manquent pour qualifier Le maestro, dernière pièce en date de Jean-Pierre Dopagne. On se souvient de la première œuvre du dramaturge namurois, un monologue pour le théâtre, L’enseigneur. Saluant le public enthousiaste et heureux du théâtre de La Valette à Ittre, le dramaturge n’a pas manqué, au terme de la première du Maestro hier, de remercier le comédien qui lui fit confiance il y a quarante et un ans, en acceptant le rôle du professeur, avec le succès que l’on sait : Alexandre von Sivers.

A quoi tient la magie hypnotique du théâtre dont Le Maestro a fait la démonstration éclatante dans la salle du Théâtre de la Valette ? Que faut-il réunir pour y arriver ? Un texte, bien sûr. Ici il semble écrit sur mesure pour l’acteur et l’actrice qui incarneront les rôles dont petit à petit, étreint par l’émotion, le public découvrira la complexité. Le regard d’un metteur en scène, qui orchestrera le placement de ceux-ci, le jeu des voix et des regards. Une scénographie qui par le jeu des accessoires et de l’éclairage ainsi que par l’environnement sonore, établira le lien entre la scène et la salle.
Tous ces éléments se retrouvent dans Le maestro, prêts à accueillir la virtuosité époustouflante du jeu de Manon Hanseeuw et Alexandre von Sivers. L’une et l’autre incarnant, avec une force et une justesse jamais démenties, les différents personnages taillés sur mesure par le dramaturge.
Alexandre von Sivers passe d’un âge à l’autre de son personnage, Cecil (« sans e ») : tour à tour, vieillard désabusé malgré le succès planétaire d’une carrière de virtuose et garçonnet détenteur du terrible secret d’un deuil familial qui le poursuit à chaque âge de son enfance. Ce rôle démultiplié offre au comédien une palette qu’il déploie avec une sobriété aussi déconcertante qu’efficace : il faut le « voir » en garçonnet obligé de sacrifier son enfance pour faire des gammes à l’infini, il faut le « voir » en concertiste accablé de solitude lors des tournées, il faut le « voir » incapable à l’adolescence de se révolter contre une mère abusive, incapable aussi d’accepter l’alliance que lui propose un père maladroit. C’est à une véritable prouesse dans le jeu chaque fois parfaitement ajusté que nous invite von Sivers qui, last but not least, est aussi un merveilleux musicien, capable de nous enchanter jouant aussi bien à la manière de l’enfant prodige que du virtuose au sommet de son art.
Manon Hanseeuw qui est à la fois comédienne et chanteuse, incarne la mère, la sœur, la confidente de Cecil. Virevoltant sur scène, elle semble incarner – sauf dans le rôle de la mère – tout ce qui aurait pu faire de Cecil un enfant heureux, un artiste accompli dans sa vraie vocation (artiste lyrique), un homme épanoui. Elle joue avec une jubilation contagieuse le versant lumineux de ce qui aurait pu être le destin de Cecil. Puis, d’une intonation de voix, d’un durcissement du regard, elle passe au personnage de cette mère impitoyable, dont on comprendra au fil de la représentation les motivations souterraines de la méchanceté. Alliant le jeu et le chant, l’actrice est la partenaire idéale de son partenaire comédien et musicien.
La mise en scène de Michel Wright, efficace, sobre, sans effets inutiles se met à chaque moment au service de la multiple destinée des personnages, exalte l’agencement des âges et des destins de Cecil et les personnages féminins qu’incarne Manon Hanseeuw.
Avec cette première mondiale, le Théâtre de la Valette, confirme l’originalité de sa programmation qui a fait de cette petite salle de 100 places, dans le Brabant wallon un lieu incontournable de la création théâtrale. On se souviendra ici de Jacques De Decker qui en fut le président, mais aussi de Leonil Mc Cormick, qui créa le théâtre en 1988. (Nous avions interviewé l’un et l’autre en 2017…)
Jouée en première mondiale, la pièce de Jean-Pierre Dopagne est de celles qui font du théâtre un instrument irremplaçable d’exploration de l’âme humaine, d’empathie avec l’autre, mais surtout d’émotion au sens le plus intense du terme, émotion décuplée lorsqu’elle est, comme ici, partagée avec le public, conquis et bouleversé, qui salue en quelque sorte la vérité du théâtre telle que l’évoquait Albert Camus : Le théâtre m’aide à fuir l’abstraction qui menace tout écrivain… (On peut écouter ici l’enregistrement sonore de cette émission… « Pourquoi je fais du théâtre », une émission de télévision (« Gros plan » 12 mai 1959)
Comment conclure cet article, si ce n’est en vous invitant à vous précipiter, toutes affaires cessantes, dans ce théâtre qui toujours tient ses promesse, ici celle de la virtuosité sans faille.
Jean Jauniaux, Ittre, le 11 novembre 2025
Sur le site du Théâtre de La Valette
Cecil, sans accent et sans « e », est un pianiste soliste virtuose à la carrière planétaire. Son talent a fait vibrer les plus grandes salles du monde entier. Lui, il voulait chanter, sa mère voulait qu’il soit le meilleur pianiste. Il l’est devenu. Maintenant, il est vieux. Il est seul.Il se souvient de Cécile, cette sœur qu’il n’a pas connue et dont il a vécu la vie, mais qui chante, elle ! C’est avec elle qu’il va évoquer sa vie, sa carrière, le sens de sa vie, de la vie, de leurs vies mêlées. Elle le connaît mieux que lui-même et à deux, ils vont faire réapparaître le passé à travers les rires et les peines, la joie et la solitude, l’ombre et la lumière mais surtout au travers de la musique, lui au clavier, elle au chant. Un spectacle musico-théâtral de haut vol, avec un acteur pianiste au sommet de son art qui nous raconte sa solitude, sœur de la création artistique.
11, Rue Basse – 1460 Ittre
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