Une confession bouleversante
On lit ce livre comme on regarde un tableau, un tableau de Hopper : lentement, longuement, en se laissant absorber par les sensations qui viennent d’au-delà de l’histoire.
Première sensation : celle de lire un livre sur l’écriture et le romanesque…
Seconde sensation : le lecteur est confident, ou psychanalyste… Sachant que tout lecteur ré-écrit le livre qu’il lit, Philippe Besson le place dans une position d’écoute, de confident, de partage…Jusqu’au bout, le roman est aussi un récit qui se cherche…le narrateur dit d’ailleurs : « Je ne me couche pas:j’écris. » Apparaîtrait alors une autre définition du rôle de l’écriture… ? Écriture comme thérapie ?
Le narrateur veut nous en convaincre avec « des mensonges plus vrais que la vérité elle-même » (p 24 )…On sait la formule selon laquelle « un écrivain ment, mais il ne triche jamais »…
Philippe Besson a l’art de raconter en pointilliste du sensible…Ainsi trouve-t-il cette manière de définir les grands soubresauts de l’Histoire : « A dix ans les événements déterminants ne prennent pas la forme d’aventures collectives mais le visage de drames individuels » (p 39 )
Ici aussi, on pourrait se demander si le vrai point de vue romanesque n’est pas, tout simplement, celui d’un enfant qui découvre le monde, le vit, essaie de l’absorber à son niveau d’expérience.
Lorsqu’il évoque le lancement du premier Spoutnik, Philippe Besson trouve des formules sidérales. En une double phrase tout est dit, à la fois l’épopée universelle et le temps individuel…« tout était possible et nous étions en danger »
Et puis, comme toujours chez Philippe Besson, en filigrane se dévoile le trouble mouvement d’approche et d’ esquive de l’homosexualité. De ceux qui (se) l’avouent, Besson dit « ils s’abandonnent plus qu’ils n’abdiquent » (p 64)
Philippe Besson nous donne ici un très beau roman…qui confirme le rôle de la littérature : explorer les failles…c’est à dire, explorer l’humain, lui donner le jour. D’ailleurs, le narrateur ne conclut-il pas son livre par ces mots : « Voici neuf mois que j’écris »…
© Edmond Morrel