Un grand raconteur, un romancier, un vrai !
Interview Serge Bramly
« Le premier principe, le second principe » est paru aux Editions JC Lattès en septembre 2008. Il a obtenu le Prix Interalliés.
Le titre est intriguant…« Le premier principe, le second principe » fait référence à deux lois de la thermodynamique sur lesquelles le narrateur, un agent des Services Secrets français base son intuition d’enquêteur…Le « premier principe » affirme que « tout corps se refroidit au contact d’un corps froid, et ce qui se gagne d’un côté se perd de l’autre . » …et ceci est valable pour toutes choses et situations (un conflit, un couple, une négociation, une tractation…).
Selon le second principe, « l’entropie d’un système fermé ne peut que croître »…en clair cela veut dire… que le désordre ne peut aller qu’en grandissant…qu’« un vase finit toujours par se casser ».
Ainsi conditionnée par ces deux contraintes, l’Histoire tisse le destin des personnages de Bramly : un trafiquant d’armes cynique, un attaché de cabinet ministériel, un photographe de presse… Le lecteur est plongé au cœur de quelques événements spectaculaires qui ont jalonné le dernier quart de siècle depuis l’élection de François Mitterand, le mariage de Lady Di avec le Prince Charles, sa mort tragique (qui ouvre le roman dans un préambule hallucinant de vérité). On pense à John le Carré pour les séquences liées à l’espionnage et aux trafics internationaux, à Joseph Conrad pour certaines scènes africaines, mais il y a aussi du Balzac ou du Dumas…parce que ce roman brosse un portrait panoramique d’une vingtaine d’années au cours desquelles tout a changé…des plus petites choses (le portable, le cd..) aux plus grands équilibres (la chute du mur de Berlin)…
Une incise sur le romancier apparaît comme un clin d’œil complice au lecteur (c’est le narrateur qui s’exprime et décrit sa méthode de dépouillement des dossiers secrets) : « Dans ces moments-là je me sens tout à la fois lecteur et romancier. La matière des rapports m’absorbe tel un polar, mais comme tout y est concentré en style bureaucratique et réduit à son expression la plus sèche, il me faut la réhydrater mentalement, lui rendre sa texture d’origine, son épaisseur, sa souplesse, sa saveur, y ajouter mon grain de sel, voire un peu de moi-même pour lier les ingrédients, donc faire preuve d’imagination… »
Voici un vrai roman qui met en place dans les tourments du monde, des acteurs et des témoins de l’Histoire, qui prend le lecteur par la main et le place au cœur de l’action, mais aussi au cœur des ténèbres du cynisme et de l’affairisme qui président aux destinées de nos sociétés. Un roman qui nous offre un kaléidoscope des vingt dernières années, vues à travers le regard acéré d’un observateur implacable mais rendues avec le talent incomparable d’un grand raconteur, un romancier, un vrai !