Les voies de la postérité sont impénétrables. Voici un auteur qui fut l’un des plus vénérés de son temps, et à propos duquel, aujourd’hui, il n’y a pas à proprement parler une conspiration du silence – cela supposerait encore une forme d’hostilité qui adopterait la tactique de l’ignorance convenue -, mais comme un étrange embarras. Citez son nom, et vous le constaterez. « Ah, oui, Maeterlinck », entendrez-vous dire, « c’est vrai qu’il a beaucoup compté dans son époque ». Maeterlinck témoin, symptôme de son temps, indice d’une esthétique, repère historique. Maeterlinck, une vieille lune qui pendouille au répertoire des mots croisés pour acharnés de ce sport cérébral, solide rapporteur de points au scrabble culturel, mais pour le reste ?
On ne nie pas qu’il ait contribué au génie des autres. Sans lui, Debussy n’aurait pas composé « Pelléas et Mélisande », l’un des cinq ou six plus importants opéras de langue française, il a été un exceptionnel inspirateur de plasticiens, comme le montre ces temps-ci la belle exposition de Gand sur ses relations avec Joris Minne, le sculpteur graveur. Ils sont au demeurant innombrables, les artistes dont il a nourri la thématique. Les symbolistes belges, comme Knopff, ou Degouves de Nunques, son ami Van Rijselberghe, qui l’a souvent portraituré, et puis ce peintre suisse, insuffisamment renommé, doté d’un vrai talent littéraire en plus, Félix Valotton. Et n’a-t-il pas, de surcroît, été l’auteur de théâtre vénéré par les plus grands metteurs en scène de son temps, Stanislavsky, Meyerhold, Max Reinhardt, Lugné-Poe ?
La galaxie Maeterlinck, on le voit, est un univers en expansion, mais au centre duquel il demeure comme dans l’ombre, alors qu’il devrait être, ces temps-ci, au centre de l’attention. Le 9 novembre dernier, on aurait pu rappeler à grand bruit que cent ans jour pour jour auparavant, on lui décernait à Stockholm le prix Nobel de littérature, le seul qu’un auteur belge ait jamais décroché : or, l’anniversaire est passé sous silence. En juillet prochain devrait se commémorer le cent cinquantième anniversaire de sa naissance. On ne peut pas vraiment parler de mobilisation massive…
Le purgatoire se fait long. Est-ce à dire qu’il ne le quittera jamais ? Des signes indiquent confusément le contraire. On s’intéresse de plus en plus à sa connaissance des philosophies orientales, à l’intérêt que lui portait le grand penseur indien Rabindranath Tagore, qui voisine avec lui au palmarès du Nobel, à sa passion pour les mystiques médiévaux, qui pourrait rejoindre un intérêt de plus en plus répandu aujourd’hui pour une spiritualité non normative, à sa dimension écologique qui lui confère une résonance très actuelle. Mort en 1949, anobli, chargé d’ans et d’honneur, il n’avait rien d’un maudit.
Le temps est venu peut-être que tant de bienfaits de son vivant lui soient enfin pardonnés.
Jacques De Decker
En coédition avec l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, André Versaille Editeur a publié sous coffret l’ensemble des oeuvres de Maurice Maeterlinck.
En plus de 2500 pages, les quatre volumes offrent au lecteur la possibilité de découvrir le poète le dramaturge, l’essayiste, le mémorialiste et le naturaliste.
Sur le site de l’Académie Royale de langue et littérature de Belgique figurent les différentes manifestations et publications liées à la commémoration du centenaire du Prix Nobel attribué à Maurice Maeterlinck.
Les « Marges » s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des « Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri » interprétées par Eliane Reyes
Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69
Référence : NAXOS 8.572530