Dans un pays du bloc de l’Est, il ne reste que deux libertés : celle de penser pour les adultes, celle de rêver pour les enfants. Marzena Sowa, abandonnant l’autobiographie développée au fil de ses précédents albums, franchit à nouveau le « Mur » qui séparait les deux Europe, pour raconter, à travers le quotidien d’enfants, la pression totalitaire qui s’est exercée pendant des décennies.
A lire et relire l’album, on est saisi à chacune des images, de la complicité esthétique qui s’est nouée entre le destin de ces personnages et la sensibilité graphique de Sandrine Revel. Par une ligne claire d’une expressivité stupéfiante, accentuée encore par le « sombre-obscur » qui étreint chacun des décors (la salle de cinéma, l’école, l’appartement des parents, la rue – Sandrine Revel approche au plus près de l’oppression éclairée par l’innocence désemparée des fantaisies inaccessibles de l’enfance et de la poésie.
Edmond Morrel
Sur le site de Dupuis :
Qu’un petit garçon essaie d’embrasser une petite fille, cela n’a normalement rien de dramatique. Et que la petite fille se dérobe et envoie balader son petit camarade, c’est suffisamment banal pour rester un épisode parmi tant d’autres dans les chroniques d’une enfance ordinaire. Mais si la scène se passe pendant la projection d’un film de propagande, à l’école, dans une République socialiste, bien des années avant que le Mur ne fasse mine de se fissurer, tous les ingrédients sont réunis pour que cela vire au drame… C’est ce que racontent Marzena Sowa et Sandrine Revel au fil de ce roman graphique humain et sensible.
À travers l’histoire de ces deux enfants, c’est le mode de fonctionnement d’une société rongée par la paranoïa et l’obsession du contrôle qui est passé au crible. Une société où tous les gestes, même les plus infimes et les plus innocents de la vie quotidienne, peuvent vous plonger dans les pires ennuis, dès lors que la chaîne fatale de la surveillance, de la dénonciation et du chantage se met en marche.
Le récit est complété de pages documentaires sur les repérages de Sandrine Revel et Marzena Sowa en Pologne.
Après Marzi, Marzena Sowa signe son premier récit non autobiographique, auquel Sandrine Revel apporte une extraordinaire sensibilité graphique, puisant aux sources de Winsor Mc Cay, comme chez Sylvain Savoia. On retrouve dans « N’embrassez pas qui vous voulez » cette acuité du regard et cette justesse d’observation qui ont valu à Marzi le succès que l’on sait.
Dans « Livres-échanges » les entretiens d’Edmond Morrel sont relayés par Levif-L’express.be