« Compostez-moi! » , un film documentaire (exceptionnel!) de Gazelle Gaignaire produit par Image-Création

Qu’est-ce qu’un documentaire de création ? Depuis la naissance du cinéma, le film documentaire a permis de raconter le réel en utilisant les ressources de la narration. Au contraire du « reportage » qui témoigne d’une réalité, le « documentaire » réunit une série d’ingrédients qui lui appartiennent en propre et font de ce cinéma-là un genre singulier, original, authentique et indispensable.

La société de production Imagecréation.com, basée à Bruxelles, se consacre depuis près de quarante ans à la création de films documentaires. Il suffit de consulter la filmographie de la société bruxelloise pour se rendre compte de la variété des sujets que le cinéma documentaire aborde, en les éclairant chaque fois d’un point de vue singulier.

Le dernier film en date, « Compostez-moi ! » apporte une nouvelle fois la démonstration éclatante de cet art de raconter, en privilégiant un point de vue mis en situation par la proximité des protagonistes du récit, en même temps acteurs et témoins. A ces éléments, il convient d’ajouter le « style », cette vibration de l’écriture cinématographique qui fait de chaque film la source d’une émotion distincte.

La réalisatrice Gazelle Gaignaire a réuni pour son film « Compostez-moi ! », l’ensemble de ces ingrédients pour transformer un sujet en un formidable récit dont la portée va bien au-delà de ce qui nous est dit et montré.

Ce qui nous est dit et montré c’est le combat intellectuel, éthique, et juridique qui est mené par des hommes et femmes qui plaident pour obtenir le droit de choisir le compostage comme troisième mode de sépulture (en plus de l’inhumation et de la crémation, seuls autorisés).

La réalisatrice a réuni autour de son projet des témoignages engagés, mais sereins dans les pays où cette pratique a été légalisée. Aux USA, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume -uni elle a interrogé les intervenants : entrepreneurs de pompes funèbres, mais aussi famille des défunts. Cela nous vaut, notamment, une séquence bouleversante de récits donnés par les familles évoquant ce qu’a représenté pour elles le deuil vécu après une humusation.

Le fil conducteur du fil est déroulé par une personnalité hors normes, attachante et vive, Cléo Duponcheel. Voici ce qu’en dit la réalisatrice : « Jeune, pleine de curiosité, d’énergie et de courage, elle est la protagoniste principale du documentaire. Entrepreneure des pompes funèbres qu’elle a nommées « Croque-Madame », Cléo incarne le changement qui naît de l’intérieur du secteur funéraire. Elle défend le compostage humain pour son utilité écologique − le recyclage intégral de notre matière organique −, mais aussi pour la beauté de sa symbolique. À ses yeux, la création de nouveaux narratifs et rites pourrait atténuer nos appréhensions face à notre propre fin et adoucir le deuil après le décès d’un proche. C’est ce côté apaisant d’un retour physique et symbolique au vivant qui est mis en valeur, mais au fur et à mesure que le documentaire progresse, on découvre la complexité du sujet et les nombreux enjeux en « iques » qu’il soulève, notamment les questions éthiques. Mon objectif est que l’innovation du compostage humain serve de tremplin vers une multitude de réflexions sur notre approche à la mort, sur le sens de nos rites, sur notre connexion à la nature, qui nous unit tous, sur notre petitesse… Que cette innovation nous aide à sortir de nos carcans, à libérer la parole, à susciter le débat. »

Personnalité fulgurante, Cléo mène le récit à travers son expérience personnelle mais aussi à travers les rencontres auxquelles elle se prête avec la réalisatrice. Nous rencontrons ainsi en Belgique : Ezio Gandin, Pierre Luxen, en Allemagne : Pablo Metz, au royaume – Uni : Rosie Inman-Cook, en France : Gérard Feldzer, aux USA : Katrina Spade. Grâce  à un montage exceptionnellement réussi (signé Luc Plantier) de la version longue que nous avons vue en avant-première,  leur expérience est racontée avec une allégresse stimulante et cette forme d’espièglerie du combattant des bonnes et justes causes qui sait qu’il a raison et qui sait qu’on lui donnera raison.  Derrière leur démarche se développe une pensée humaniste, faite d’empathie, de respect de la personne.

Voici donc un documentaire qui déploie tout ce qui fait d’un documentaire de création un instrument irremplaçable de réflexion, de questionnement à l’égard d’un sujet défendu avec une sincérité et une conviction qui forcent le respect.

Ce documentaire nous transporte bien au-delà d’un questionnement à propos d’un nouveau mode d’ obsèques. Il interroge ce que sont, aujourd’hui, le deuil, le rapport à la mort, la mémoire et le respect ultime de la vie que représente le choix de revenir à la terre, au sens littéral.

Sans doute l’expérience personnelle de la réalisatrice au sein de Médecins Sans Frontière lui a-t-elle donné une part d’inspiration pour trouver « la façon de briser le tabou de la mort ». Enfin soulignons combien ce film est passionnant de bout en bout, par le sujet abordé, par la manière dont il est raconté, et l’émotion qu’il engendre, émotion soutenue par une musique originale de toute beauté (signée Hughes Maréchal)

Ne manquez pas ce film !

Jean Jauniaux, le 18 octobre 2024

Sur le site de « Image-création »:

Depuis quelques années, la vision de la mort et des traditions parfois
millénaires qui l’accompagnent a laissé place à de nouvelles réflexions sur
nos modes de sépulture. Plusieurs citoyens s’interrogent sur une troisième
alternative que serait le compostage humain. Aux USA, la possibilité de se
faire composter existe déjà dans certains états. En Europe, de plus en plus de
personnes et d’associations investiguent également cette voie.
Les arguments défendus par ces citoyens sont les suivants :

Le compostage humain est le seul mode de sépulture occidental qui
se préoccupe du Vivant et qui intègre l’humain dans son cycle.

Les gens sont de plus en plus en demande de connexion avec la
nature (on voit de plus en plus de personnes souffrant de dépression
ou de burn-out se faire soigner dans des lieux connectés à la nature
ou partir en retraite en forêt).

Les cimetières vont un jour atteindre leur capacité.

On a besoin du sol, c’est ce qui nous nourrit, nous fait vivre, donc est-
ce bien raisonnable ?