Nous avons rencontré Thilde Barboni à l’occasion de la parution du dernier roman en date de l’écrivain, autrice également de romans graphiques, de pièces de théâtre, de fictions radiophoniques.
Le roman a été publié en version italienne aux Editions Mincione , dans une traduction magistrale de Théa Rimini, un an avant l’édition originale en français à laquelle nous avons enfin accès grâce aux Editions Académia qui l’inscrivent dans leur collection romanesque évasion.
Cette destinée éditoriale inhabituelle indique à l’évidence que le récit, dont l’histoire débute dans l’Italie de l’après-guerre, a trouvé sous la plume de la romancière cette singularité idéale que la fiction requiert lorsqu’elle est précisément située dans l’Histoire. Dans le cas des Enfants de Cinecittá, il s’agissait de situer les personnages et leur destinée dans ce quelque part dans la campagne italienne, entre Ladispoli et Cerveteri . Mais aussi, plus avant dans le récit, le livre raconte avec sensibilité la découverte de la ville de Rome par Antonio, enfant, les travaux des champs, la vocation de cinéaste née au hasard d’un tournage d’une équipe de Cinecittá, et le destin de celui qui « inventa » un genre cinématographique qu’un critique new-yorkais appela le « Western-Spaghetti » et qui fit date dans l’histoire du septième art.
Depuis son premier livre, Thilde Barboni a abordé avec bonheur à différents genres littéraires : le roman, le théâtre, le scénario de bandes dessinées, le feuilleton radiophonique. La pratique de ces différents modes de narration a donné à la romancière un sens aigu de l’image, de l’espace du récit et de l’enchaînement fluide des différentes séquences qui hypnotisent littéralement le lecteur jusqu’au dénouement. Cette observation aurait pu se formuler dès les premiers livres de la romancière, comme n’avait pas manqué de l’indiquer Jacques De Decker lors d’une rencontre avec l’autrice à l’occasion d’un « Coup de Midi » à la bibliothèque des Riches Claires (mars 2015) : « Depuis ses débuts, on décèle chez Thilde Barboni, les formidables ressources de la fiction la plus inspirée et la plus riche. Dès le premier roman se sont révélées une voie (voix) romanesque et une inspiration foisonnantes » (à écouter sur le site de la Bibliothèque des Riches-Claires ).
Dans le même ordre d’idée, on déplorera que la parution de la série « D.O.W. » ait été interrompue après le premier album, Les ailes du loup (Scénario :Thilde Barboni/ Dessin : Gabor). Enfin il conviendrait – pour situer davantage encore Les enfants de Cinecittá dans la bibliographie de Barboni – de citer Élisabeth ou la dérobade amoureuse : intimité d’une reine (Editions Wilquin), le magnifique roman graphique Hibakusha (paru dans la collection de référence « Aire libre » (Editions Dupuis, Scénario Thilde Barboni/ Dessin Olivier Cinna ) inspiré d’une nouvelle initialement publiée dans la revue MARGINALES) et Rose d’Elisabethville (Scénario Thilde Barboni, Dessin : Séraphine). Ces trois récits s’inscrivent dans un environnement historique qui est à la fois un cadre et une source d’inspiration pour l’invention et l’imaginaire : l’époque élizabéthaine, Hiroshima en 1945, le second ou le Congo dans les années 60.
L’atmosphère fébrile des tournages de peplums ou de westerns, la magie que les salles de cinéma opéraient sur les enfants, l’invention du genre « western-spaghetti » (et ses codes : « vrais » cow-boys, musique en contrepoint, drôleries des situations, audace dans les angles de prises de vue…) enchanteront le public qui, par la puissance d’évocation du récit et une écriture limpide, retrouvera certainement ces émotions, partagées avec jubilation par la romancière, dont on devine à chaque ligne combien elle est proche des sensations qu’elle fait vibrer, comme une lumière scintillante.
Jean Jauniaux, le 21 avril 2022.
Pour écouter l’interview, rendez-vous sur la chaîne youtube de « L’ivresse des livres » :
(Nous publierons dans quelques jours une recension plus complète dans Le Carnet et les Instants.)
Sur le site des Editions Académia:
« Dans la Rome du miracle économique des années soixante, Antonio, jeune fils de paysan, échappe à sa condition en parvenant à s’introduire à Cinecittà. Passionné de lumière et de cinéma, il devient rapidement un réalisateur incontournable et emploie son meilleur ami, comédien charismatique au destin de star.
Toute sa vie Antonio tentera cependant de retrouver Graziella, son amour de jeunesse, qui a fui à Hollywood où on l’a transformée en une nouvelle Marilyn Monroe. »
Thilde Barboni, traductrice et psychologue clinicienne de formation, est l’auteure de romans publiés en Belgique, en France, en Suisse ; de scénarios de romans graphiques traduits en de nombreuses langues.