On se souvient des quatre romans publiés par Pascale Toussaint, en particulier de J’habite la maison de Louis Scutenaire (Editions Weyrich), roman qui nous avait valu d’interviewer l’actrice en 2013. Elle avait également publié, dans une collection dédiée aux « Lettres du Nord » chez Zellige, Un poème à vingt francs en 2015. Les Editions SAMSA dont on sait l’attachement à la valorisation du patrimoine littéraire belge (une de leurs dernières publications est celle du roman de Marie-Thérèse Bodart,le très attendu La moisson des Orges) avaient publié en 2015 un roman de Toussaint (Audrey H.) mais également une anthologie thématique des écrivains belges, C’est trop beau! Trop!, cinquante écrivains belges.
Aujourd’hui, chez SAMSA, elle nous fait la surprise d’un recueil de poèmes paru sous le titre Des lilas et des orages, titre qui est aussi un vers d’un des plus beaux textes du recueil, un poème en hommage à quelques chansons françaises se déployant sous le premier vers /On connaît la chanson/. Un très beau poème d’amour, dont on se dit qu’il ferait lui-même une chanson idéale.Ce n’est d’ailleurs pas le seul texte de ce recueil qui nous a inspiré une vocation identique, celle de se transformer en chanson. En effet, la plupart des poèmes de Pascale Toussaint ont cette rigueur formelle à laquelle se contraignent les auteurs qui savent toute la puissance créatrice que l’exigence prosodique développe. Par ailleurs, les poèmes de Pascale Toussaint sont construits dans le souci de raconter, de nous faire à chaque poème, un récit court . Il y a des portraits de jardin, de sensations , de parfums (en particulier du lilas qui nous vaut un texte d’une rare incandescence sur la mémoire des couleurs et des parfums du lilas pourtant tellement éphémère), d’hommes et de femmes et d’enfants saisis dans un instant de grâce (comme cette « Madame de l’Accueil » dont la bonté nous semble de toute éternité) ou de détresse. Il y a aussi l’évocation poignante d’une femme, Elle aura nonante ans au début de l’été/Je dis ça au moment / Où le printemps explose(…) De vibrantes images du grand âge en ces temps si cruels pour les aînés éclairent d’une lumière diaphane ce poème dédié à la mère de l’écrivain.
On pourrait en citer encore et encore, tant le livre est inépuisable: ainsi, cette belle manière de dire le fragile coquelicot entre les mains d’un enfant, ou la rupture d’un couple ou encore la solitude de la femme qui se croit laide. Mais le mieux ne serait-il pas de franchir la porte d’une librairie et d’acheter deux exemplaires du livre: le premier que vous conserverez précieusement pour le relire et l’annoter, et le lire à voix haute ou encore, si vous en avez la voix, le chantonner; le second pour l’offrir à une « Madame de l’Accueil », à une aînée, à la bibliothèque d’une école ou d’une maison de retraite. Chacun, quel que soit son âge, y trouvera le bonheur renouvelé de la poésie, dont ce premier recueil est aussi une promesse, celle des livres à venir que nous attendons déjà avec impatience.
Jean Jauniaux, le 4 mars 2021.