Nous avons évoqué à de nombreuses reprises déjà ce double enchantement que la Maison Lismonde procure aux visiteurs des expositions temporaires qui y sont régulièrement accrochées aux cimaises. Enchantement de redécouvrir à chacune de ces occasions la maison de l’artiste et les oeuvres qui rappellent le souvenir de Lismonde; enchantement aussi de parcourir les salles ornées pendant quelques semaines des oeuvres de ses amis. L’exposition des toiles d’Etienne Tribolet permet de contempler, d’oeuvre en oeuvre, le travail du peintre qui est aussi, comme le rappelle un vitrail exposé au rez de chaussée, un exceptionnel maître verrier. Dans un article qu’il lui consacrait, Philippe Roberts-Jones évoque les lignes de force de la peinture de Tribolet qui évoque, révèle et donne à voir des tableaux que l’on pourrait qualifier, à première vue, d’abstraits, peut-être lyriques, nullement gestuels.(…)La connivence qui existe entre l’artiste, la terre visitée et le ciel contemplé, donne naissance à une abstraction qui vient de la réalité et à une réalité qui sort de l’abstraction. Cette évocation de l’oeuvre picturale de Tribolet trouve aujourd’hui une résonance singulière lorsque l’on regarde les tableaux exposés, en particulier ceux dont les titres sont…fragments d poèmes de Philippe Jones: Le son devient rumeur , Grand largue, Houles secrètes… Il faudrait relire l’ensemble des textes pour consolider cette sensation de l’indispensable entrelacement entre poésie et peinture, entre deux abstractions sensibles qui entrent en résonance dans cette lumière diaphane qu’est l’émotion.
Car c’est sans doute de cela qu’il s’agit ici, l’émotion. « Au creux du silence », elle surgit de chaque tableau, dans le mouvement des traits qui hachent l’horizon comme une pluie biaisée, dans les profondeurs anthracites qui sous-tendent et accentuent la lumière blanche des ciels, dans les effleurements de couleurs qui strient un paysage symbolique, que l’on dirait assemblage des cieux gris du Nord et des clartés méditerranéennes.
A l’occasion d’une exposition précédente, Tribolet indiquait qu’il cherchait « un langage pour dire ses émotions reçues au creux du silence« . Les oeuvres que nous voyons à la Maison Lismonde indiquent à n’en pas douter que le langage a été bel et bien trouvé. En tous cas, il éveille et communique cette émotion qui est la raison d’être de l’art, celui de Tribolet, comme celui du poète Philippe Jones. Pour l’un comme pour l’autre, surgit l’affrontement constant et stimulant entre l’opacité du réel et sa transfiguration par la représentation picturale ou poétique.
Rendez-vous à la Maison Lismonde, gravissez le chemin qui y accède et dévoile après quelques dizaines de mètres, le jardin et la maison. Arrêtez vous au rez-de -chaussée pour vous imprégner de cette atmosphère particulière aux maisons d’artistes (lorsqu’elles ont été préservées comme c’est le cas ici), attardez-vous à l’évocation de ce que Lismonde (plus connu pour ses fusains) réalisa dans le domaine du vitrail, avant d’entrer, à l’étage, dans les pièces réservées aux oeuvres de Tribolet.
Cette visite est celle de paysages « qui se révèlent vécus et habités » comme le notait Philippe Roberts-Jones dans l’article Etienne Tribolet pris entre ciel et terre.
Nous avons interviewé l’artiste et tenté d’évoquer avec lui ce mystère qu’est toute création.
Jean Jauniaux, le 22 janvier 2022.
Dans « L’ivresse des livres » , nous avons évoqué différentes expositions organisées à la Maison Lismonde: « Echanges », Roger de Coninck, Lismonde et Philippe Roberts-Jones, 50 ans de complicité..
L’adresse :
« Les Roches »
Dwersbos, 1
1630 Linkebeek
Tél. 02 380 51 03
j.lismonde@skynet.be