Un film grand public qui est à la fois un thriller et une méditation militante sur le cinéma !
La « Cinematek » (nom « belge » de la Cinémathèque royale de Belgique) édite le dernier long métrage de Frédéric Sojcher, une occasion de découvrir ce film-fable, première fiction consacrée… à la mainmise du cinéma américain sur les écrans du monde, illustrant l’antienne de Franklin Roosevelt : « Envoyez les films américains, les produits américains suivront »...
Déjà le Plan Marshall ne prévoyait-il pas des contreparties liées à la diffusion de la production américaine en Europe ?
De film en film (et de livre en livre), le cinéaste Frédéric Sojcher construit avec la constance du faux timide une œuvre d’une cohérence obstinée. Le dernier film qu’il nous donne, « Hitler à Hollywood » constitue à n’en pas douter un point culminant dans le parcours infatigable de l’artiste.
Disons-le d’emblée, ce film est aussi déroutant qu’inattendu. Déroutant, le dernier opus de Sojcher répond à n’en pas douter à ce qualificatif. Le film « Hitler à Hollywood » appartient à différents genres, mais en invente un nouveau en utilisant avec un brio époustouflant les codes de chacun : du documentaire au reportage, du policier au thriller d’espionnage, du drame à la comédie, du film d’archive au vidéographe le plus moderniste, le réalisateur nous ballade pour notre plus grand plaisir dans la quête ébouriffante menée par Maria de Medeiros et son caméraman. Cette quête est le fil rouge du récit : la jeune comédienne portugaise, actrice mythique de « Pulp Fiction », entreprend la préparation d’un film documentaire consacré à Micheline Presle. Cette dernière veut retrouver avant de mourir un film dont elle a été la vedette, film tourné en 1937 par un réalisateur belge disparu depuis. Ce film perdu porte le titre « Je ne vous aime pas ». A partir de là, les péripéties se multiplient à une cadence endiablée qui entraîne le spectateur sur les pas de notre duo de choc de Paris à Cannes, de Berlin à Malte, de Blankenberge à Bruxelles (enfin filmée comme elle le mérite !).
Les protagonistes du film jouent leur propre rôle, à l’exception des personnages créés de toutes pièces, mais ils inventent des épisodes de leur carrière ou de leur vie qui sont pure fantaisie. De cette alternance entre réel et fiction, Sojcher se joue comme un jongleur chinois faisant tourner au bout de leur tige de fragiles assiettes de porcelaine. Il se rit des lois de l’équilibre, réinvente des mises en abyme, voltige avec sa caméra qui explore avec amour les visages des comédiens dont on le sent, il partage la jubilation intense de vivre cette aventure qu’est la fabrication d’un film.
Derrière la fantaisie débridée qui annihile par sa fougue toutes les défenses du spectateur, le film éveille progressivement un questionnement plus essentiel. Le grand complot que dissimule la disparition du film « Je ne vous aime pas » et la retraite forcée du réalisateur mythique Luis Aramcheck est celui qui vise à détruire pas moins que le cinéma européen ! On avait vu les comédiens jouer leur propre personnage, on aperçoit à présent le réalisateur européen Sojcher s’interroger, s’inquiéter de la survie d’un cinéma dont, pour le défendre, il nous fait une démonstration éblouissante.
Lorsque Cervantès prête à son personnage Don Quichotte, à l’ouverture du Livre second de ses aventures, une indignation légitime quant au mauvais sort réservé au Livre premier, publié quelques années auparavant, il invente le roman moderne. En jouant, avec l’habileté désarmante d’un artiste émerveillé, de tous les entrelacements des genres du cinéma, Sojcher invente un nouveau cinéma, il en explore toute la variété, il en développe toutes les fantaisies. Il nous éveille aussi d’une léthargie dans laquelle nous étions en train de sombrer, abreuvés que nous sommes de films réalisés sur le même moule. Il nous questionne aussi sur la fonction du cinéma, mais, au-delà, sur la fonction de l’art, dernier refuge des libertés.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : défendre sans trêve et sans repos cet espace de liberté dans lequel l’art peut survivre et se déployer. Ici Sojcher évoque les menaces qui pèsent sur le cinéma européen. Il sait, pour y avoir longuement réfléchi dans le sillage des autres grands réalisateurs européens (qu’il invite d’ailleurs au générique de son film) qu’il s’agit d’un questionnement de civilisation, au-delà du cinéma, au-delà de la fiction.
Cette interrogation il la dépose au plus profond de chacun d’entre nous.
Edmond Morrel
Le DVD est en vente au prix de 15€ auprès de la Cinematek
Contact : dvd@cinematek.be
Petite revue de presse :
Voici ce qu’en a dit la presse, en France, au moment de la sortie en salle :
« Les Inrockuptibles » :une « attachante curiosité ».
« L’Express » : « réjouissant et divertissant ».
« Positif » : « jubilation communicative ».
« Marie-Claire » :« une pépite à découvrir ».
Les « Cahiers du cinéma » : « un croisement brillant d’Hitchcock et d’Edgar P. Jacobs »
« Le Nouvel Observateur » : « un film fortement novateur »,
D’autres articles sont consultables dans la revue de presse du site
Frédéric Sojcher sur wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Sojcher
Visitez aussi le site du film, vous y trouverez un « making of », un concours et toute l’actualité des sorties en salle du film.