Ecoutez Pascal Vrebos au micro d’Edmond Morrel
Et si, sous ses dehors affables et son regard malicieux, Pascal Vrebos dissimulait depuis toujours une colère tellurique, contenue, retenue comme ces lents mouvements des masses terrestres qui, un jour, se transforment en tremblements de terre ? Et si, sous ses habits de journaliste incisif, Vrebos dissimulait un artiste indigné ? C’est peut-être ce que nous fait découvrir sa dernière pièce, « L’accusateur » dont le sous-titre est révélateur : « Comédie étranglée ». Jean est le nom du personnage qui soliloque pendant plus d’une heure en dénonçant, en accusant, en vilipendant les lâches, les riches, les affameurs, les dictateurs et ceux qui les placent au pouvoir, les utopistes et les artistes. Personne n’échappe à sa colère, même pas le « boss », le « patron » qui de là-haut observe muet les cataclysmes commis en son nom. Une seule créature est épargnée de son courroux, une confidente, une amie, une innocente. Elle s’appelle Flo. C’est une coccinelle. Elle le suit de puis toujours, virevolte autour de lui, vient se déposer sur le dos de sa main pour réconforter Jean quand il ne sait plus où donner de l’accusation. Jean, Flo et le Patron, les protagonistes de cette fable trop grave pour que l’on rie vraiment aux mots d’esprit – le rire s’étrangle souvent devant la vérité qui nous est assénée – , nous accompagnent longtemps après que les feux de la rampe se soient éteints et que dans le noir surgisse une dernière incantation, adressée à chacun de nous : « C’est à vous de jouer, à présent ! ». Inscrite dans le catalogue des Universités Populaires du théâtre, la pièce de Vrebos trouve naturellement ses prolongements dans la « libre pensée » à laquelle elle nous invite, au débat qu’elle peut engendrer et libérer des positions convenues. Si « L’accusateur » soliloque, il sait que nous l’entendons, assis dans l’obscurité du théâtre, il sait que rien n’est gratuit dans le jeu auquel il se livre par le truchement du comédien (l’excellent Yves Claessens) et dans la mise en scène signée Jean-Claude Idée, co-fondateur des Universités Populaires du Théâtre, dont chacune des créations regorge d’inventivité et de justesse (l’ouverture « magritienne » de la pièce est magistrale !). Au public de prendre la relève, à lui de jouer à présent, de réfléchir, de débattre, d’écouter, de ne pas admettre, de s’engager, de penser pour lui, d’être « hypercrite » (contraire de hypocrite..).
Quittez vos écrans, traversez le bois de la Cambre, franchissez la porte du « Théâtre de Poche » avant le 28 mai, asseyez-vous dans la lumière si nécessaire que nous donne le théâtre, le vrai.
Edmond Morrel, le 18 mai 2016
Sur le site du Théâtre de Poche :
Soliloque menaçant
Un homme monte sur scène. Un échappé d’asile ? Un nouveau prophète ?
Sans retenue notre agitateur déboulonne les imposteurs et interpelle nos consciences.
Personne n’a grâce à ses yeux ; politiques, militaires, fanatiques religieux, banquiers, néo-fascistes, artistes… Comme un miroir, le texte suscite la réflexion et nous plonge dans les interrogations de notre temps.
Un spectacle qui dénonce tous ceux-là qui sans se l’avouer regrettent le confort rassurant des pouvoirs forts, des Etats totalitaires et des dogmes religieux absolus.
Perpétuant une grande tradition humaniste L’Accusateur prône, in fine, le libre examen.
« Ce monologue est une polyphonie de l’esprit. » Jean-Claude Idée
« Dramaturge, sémiologue, pédagogue et journaliste, Pascal Vrebos est l’auteur d’une trentaine de pièces de théâtre jouées en France, en Allemagne et aux États-Unis. Il a reçu de nombreux prix littéraires, dont celui de la SACD pour l’ensemble de son œuvre. » Le Nouveau dictionnaire des Belges
Dès 16 ans
Durée : 1h15