« Lismonde au fil de l’eau »

Nous évoquons régulièrement les expositions que La Maison Lismonde accueille dans la maison où vécut l’artiste à Linkebeek. Expositions d’amis de l’artiste, évocations thématiques, toutes occasions sont idéales pour retrouver la magie de ce lieu inspirant.

L’artiste avait souhaité conserver son oeuvre dans la maison « Les roches », devenue le siège social (en 1998) de l’ASBL Fondation Lismonde. Depuis le 1er janvier 2005, l’association a pris le nom de « Maison Lismonde/Huize Lismonde ». L’artiste a fait don d’un grand nombre de ses œuvres, confiées aux animateurs et animatrices de l’association siégeant dans cette villa « Les Roches » où Lismonde vécut un demi-siècle, et qu’il légua à la Commune de Linkebeek. Outre l’activité patrimoniale de conservation et de valorisation de l’oeuvre, l’association organise régulièrement des expositions thématiques qui permettent au visiteur d’appréhender différentes facettes de l’oeuvre et de la vie de Lismonde. Chacune de ces expositions donne lieu à l’édition de courtes monographies illustrées et commentées par leurs commissaires (notamment Serge Goyens de Heusch et Corinne ter Assatouroff): 2016 : Lismonde portraitiste, 2017 : Lismonde et Philippe Roberts-Jones : cinquante ans d’amitié, 2018: Lismonde et la tapisserie, 2018 : Lismonde et l’architecture., 2021 : Échanges. Lismonde et ses amis artistes.

http://www.maison-lismonde.be/F-Lismonde-affiche-expo.html

Du 5 juin au 2 octobre, c’est aux fusains réalisés par Lismonde entre 1930 et 1950 qu’est dédiée l’exposition intitulée Au fil de l’eau. Deux des administrateurs de La Maison Lismonde/Huise Lismonde, Corinne ter Assatouroff et Serge Goyens de Heusch en sont les commissaires. Serge Goyens de Heusch propose dans le catalogue qui accompagne l’exposition, une analyse attentive de cette période figurative, dans un petit format qui vient utilement compléter les catalogues précédents, et confirme, si besoin en était, la cohérence d’une oeuvre dont on peut, au fil des années, envisager l’évolution de l’inspiration et de la technique. Ornées pour l’essentiel de fusains et dessins, les cimaises nous invitent à (re)découvrir des ambiances portuaires maritimes ou fluviales telles que les a dessinées l’artiste au cours de séjours à Anvers, Dordrecht, Lierre, Oostende, Toulon, Marseille, mais aussi en Grèce.

Dans les vitrines, des photographies témoignent de ces séjours inspirant que l’artiste effectua – parfois avec le grand ami Philippe Roberts-Jones qui lui consacra, dès 1977, une des premières monographies dédiées à l’oeuvre de l’artiste -, dans les années 30. Les commissaires de l’exposition ont eu la bonne idée de donner à voir un cahier d’écolier où figure, avec la grâce naïve et appliquée dont seuls les enfants sont capables, une des premières « oeuvres » de celui qui deviendra Lismonde: il a 9 ans le garçonnet qui compose dans un cahier d’écolier Pêcheur au bord de l’étang et attendrit le regard par ce que nous savons, aujourd’hui, de ce qu’il contient déjà de promesses. Serge Goyens de Heusch, citant un des premiers articles monographiques consacrés à Lismonde, évoque l’évolution du regard de l’artiste face au thème de l’eau: « Mieux que personne, son premier biographe Louis Lebeer, alors conservateur du Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Royale de Belgique, expliqua cela en 1956 dans l’une des Monographies de l’Art Belge publiées par l’Etat : « Fini la peinture, fini la grandiloquence qu’il regrette secrètement mais dont il se console en choisissant des sujets et des spectacles où se manifestent la force, la
grandeur et la puissance du travail, de la technique moderne, de la construction : cales-sèches, usines, ports, etc
». Et l’auteur d’ajouter : « Dessiner purement, avec tout le dépouillement, en tenant compte seulement du jeu des masses qui s’opposent, des lignes qui déterminent le rythme, de l’éloquence des noirs modulés, faisant ainsi d’autant mieux valoir la charpente des architectures ». Au fil de la Conversation avec Philippe Roberts-Jones (Editions Tandem, 1992), Lismonde évoquera cette évolution : « Après le besoin d’affirmer violemment les charpentes qui donnent au sujet sa puissance, les dessins se sont adoucis et la matière, la transparence, la lisibilité, la musicalité des gris ont dominé ».
Corinne ter Assatouroff nous a raconté cette exposition. Lors d’un entretien enregistré par ZOOM, elle évoque les choix qui ont présidé à la composition de celle-ci, mais aussi bien sûr, l’évolution de la manière pour l’artiste d’aborder l’espace fluvial et maritime, passant de l’expressionnisme des débuts à une approche annonçant l’abstraction à venir. L’univers de l’eau, de la mer, des ports et fleuves n’aura jamais quitté l’inspiration de Lismonde. les habitués de la station de métro Pétillon en sont les témoins lorsqu’ils contemplent le haut-relief qui orne l’accès aux quais et porte le titre si évocateur Que la mer épargne.

Une nouvelle fois, l’on ne peut que recommander la visite de l’exposition, cette immersion dans l’âme d’une maison, d’une oeuvre et d’un artiste qui continuent de l’enchanter.

Jean Jauniaux, le 17 juin 2022

Interview de Corinne ter Assatouroff

A propos de la Maison Lismonde/Lismonde Huise et des expositions passées:

Coordonnées de l’exposition et de la Maison Lismonde

« Les Roches »
Dwersbos, 1
1630 Linkebeek
Tél. 02 380 51 03
j.lismonde@skynet.be