« Une folie de rêves » , le roman souterrain de Jean-Daniel Baltassat. Chef d’oeuvre!

« Une folie de rêves » le dernier roman de JD Baltassat est paru en cette fin d’été aux Editions Calmann-Lévy. Le livre (600 pages) se lit d’une traite. L’intrigue va réunir un faussaire repenti (Mikelangelo) qui vit dans les souterrains de Paris depuis vingt ans et des adolescents en fuite (un garçon et cinq filles) migrants venus de Syrie , d’Afrique et d’Asie poursuivis par des « faiseurs de putes ». Ils se trouvent réunis dans une vaste chapelle souterraine où Mikelangelo tente d’apprivoiser les jeunes et de leur donner les moyens de rejoindre leur destination rêvée, Youké. 

Les autres protagonistes de ce récit sont…les rats.

Baltassat insère dans le récit des humains, celui des rats qu’il raconte en se mettant littéralement à leur hauteur, faisant d’eux des personnages à part entière, nous donnant à ressentir leurs peurs, leur instinct de survie, leurs cheminements dans les espaces urbains (on dit que pour éliminer tous les déchets humains, il faut au moins un rat par habitant dan les métropoles comme <Paris..), nous faisant découvrir leurs modes de communication et de cohabitation avec l’homme.

Au fil des chapitres, humains et rats, se côtoient, se fraient, se fuient, affrontent les menaces. Le peintre et les enfants se réjouissent aussi des gestes de solidarité et de bonté qui surviennent et les soutient, aussi bien Mikelangelo que les enfants. L’écriture de Baltassat va à l’essentiel. C’est ainsi qu’elle engendre l’émotion. Il ne s’agit pas ici d’apprendre ou de réfléchir. Nous sommes dans le romanesque: le déroulement des différentes péripéties tient le lecteur en haleine de la première à la dernière page. Et c’est une belle manière de le piéger et d’éveiller en lui ces émotions dont il nourrira ensuite le regard qu’il porte sur les migrants, sur la violence des villes, sur la solidarité, sur notre rapport au monde animal, sur la fonction de l’art. Ainsi, nous découvrirons les motivations qui conduisirent Mikelangelo à la création d’une fresque souterraine que Baltassat nous raconte avec cette insatiable gourmandise envers l’acte créateur des peintres, que nous avions déjà salué dans  Le divan de Staline ,  La tristesse des femmes mousselines  ou  Le valet de peinture . On retrouve aussi cet enchantement de « l’écrivain d’art » dans les monographies qu’il consacre régulièrement à la peinture dans des éditions spéciales de Télérama par exemple, ou dans des catalogues d’exposition. 

Nous avons rencontré Jean-Daniel Baltassat chez lui, en Creuse, pour évoquer l’écriture de ce roman, qui, comme les précédents nous enchante et nous démontre la fonction essentielle de la littérature: révéler l’humain. 

Interview à écouter sur Soundcloud

Le romancier à sa table de travail.

Voici un grand roman, de ceux qui d’emblée s’inscrivent dans la lignée des livres fondateurs, indispensables, nourriciers. La littérature, et Baltassat en fait une démonstration éclatante, est un instrument idéal d’apprentissage de l’autre, d’exploration de la bonté et de l’empathie . Formons ici le voeu que cette « Folie de rêves » trouve la place qu’il mérite dans les librairies, les bibliothèques, et les coeurs.

Jean Jauniaux, le 25 août 2021

Sur le site de l’éditeur:

« Depuis qu’il menait la plus grande partie de sa vie ici dans le Dessous, dans sa Chapelle, des rencontres, il en avait fait de tous les acabits. Mais ceux-là, c’était autre chose. »

La pluie de novembre fait déborder la Seine. Rien qui empêche Mikelangelo, admirable faussaire et grand peintre ignoré, d’achever le ciel de sa fresque: sa grande oeuvre accomplie trente mètres sous la colline de Passy et du Trocadéro. Mais hasard et destin mettent sur son chemin un gamin, Hakim, et cinq girls, Maalu, Nadira, Sila, Antoinette, Lovette, égarées dans le ventre de Paris. En route pour la mythique Youké, elles cherchent une tanière pour se protéger de la pluie, du froid et des faiseurs-de-putes.Voilà qui rappelle bien des choses à Mikelangelo. Voilà que soudain, dans son royaume labyrinthique du Dessous, il a une autre grande oeuvre à accomplir : offrir à ces errants une pincée de jours légers. Et, qui sait, peut-être même leur donner la force d’atteindre cette Youké de leurs rêves….

Autres interviews de Jean-Daniel Baltassat sur le site de « L’ivresse des livres »:

« Le divan de Staline »

« L’almanach des vertiges »

« La tristesse des femmes en mousseline »