Nous avons évoqué déjà l’infatigable curiosité de Richard Miller pour les arts plastiques, son énergie à partager l’érudition souriante que lui inspire les oeuvres des artistes qu’il met en valeur, que ce soit dans ses essais et articles ou, aujourd’hui, dans le cadre de la Galerie de « L’Atelier des Capucins » dont il préside aux destinées artistiques depuis quelques années déjà.
Avant d’avoir eu l’occasion de visiter les oeuvres accrochées aux cimaises de la galerie montoise, nous reproduisons ici le texte que nous en donne Richard Miller, évoquant Olivier Navarre et sa rencontre avec le peintre, dans son atelier, suivant ainsi le précepte de Delacroix : » Il faut voir un peintre chez lui pour avoir une idée de son mérite… »
Ci-dessous, vous trouverez le texte complet de Richard Miller (que nous avions rencontré récemment à propos de la revue Ulenspiegel et du texte autobiographique, Moelle Ritale qu’il y publia dans un récent numéro, interview bien sûr toujours disponible sur ce site ) ainsi bien sûr que les dates et heures d’ouverture de l’exposition que nous allons, de ce pas, visiter.
Jean Jauniaux, le 17 mai 2021.
Nous avons eu l’occasion d’interviewer Richard Miller qui évoque pour nous son approche du « métier » de galeriste…A regarder sur Youtube
Richard Miller à propos de l’exposition des oeuvres d’Olivier Navarre « Strate Art » à la Galerie de l’Atelier des capucins.
« Le philosophe Max Loreau, dont une grande partie de l’œuvre est consacrée à la peinture, étudiait au plus près ce qu’est l’acte de peindre en partant des gestes premiers, des gestes les plus concrets accomplis par l’artiste dans son atelier : le fait de saisir telle ou telle toile, tel ou tel pinceau, la façon d’aller au chevalet, d’évaluer du regard la surface à peindre, de se reculer pour voir l’avancement de l’œuvre en train de se faire… En fait, Loreau avait retenu la leçon de Delacroix : « Il faut voir un peintre chez lui pour avoir une idée de son mérite » (Journal, 12 mars 1847). C’est aussi ce que j’ai fait, poussé par l’envie de connaître, en rendant visite à Olivier Navarre dans son atelier à Vezin. Il m’avait dit pratiquer une méthode picturale particulière appelée « dry monotype », consistant en une accumulation de strates successives « à reculons » : de sorte qu’au bout du processus, ce qui constituera la face visible (le tableau) aura été créé à l’envers. Ici, pas de toile sur cadre, dressée sur le chevalet telle une fenêtre opaque, mais une feuille plastique transparente posée sur une surface plane. Cette feuille constitue la première strate. Elle est le support que le peintre couvre de plusieurs couches de couleurs acryliques, lesquelles s’entremêlent, se superposent, sont grattées au couteau, modifiées au pinceau ou avec la main. C’est selon. De ces sédiments, naissent des formes « inaugurales », des formes premières – parfois figuratives – qui n’apparaîtront qu’en fin de processus. L’étape suivante est technique : l’artiste recouvre les peintures acryliques de gesso, sur lequel l’ensemble des couches successives vient s’encoller à l’envers. Après un délai de séchage, la feuille de plastique est enlevée et le « recto » de l’œuvre apparaît en ayant conservé la force sauvage des premiers traits, des premières formes, des premières couleurs. Le « Strate Art » est une épiphanie : l’œuvre n’apparaît pas par à-coups successifs dus au pinceau, elle demeure longtemps voilée avant de se révéler en une fois, en plénitude, présente à elle-même en chacune de ses parties, en chacun de ses détails. Alors seulement peut, ou doit, s’entamer le dialogue silencieux entre l’œuvre et l’œil qui la regarde. » Richard Miller