Après « Jacques Brel, auteur » et « Jacques Brel , chanteur » deux livres qu’elle consacre à la vie et l’oeuvre de son père, France Brel nous présente un film documentaire consacré au Grand Jacques: « J’arrive »

Nous avions rencontré France Brel à l’occasion de la sortie de son film « J’aime les Belges », un passionnant documentaire consacré au « grand Jacques ». (Interview toujours accessible sur le site « L’ivresse des livres »)

Infatigable investigatrice de la vie et de l’oeuvre de son père, France Brel dirige et anime la « Fondation Jacques Brel » qui recèle un fonds d’archives auquel ce film ajoutera à n’en pas douter un nouvel instrument d’investigation pour les chercheurs, mais aussi les amateurs-admirateurs de l’oeuvre de Jacques Brel. L’auteur, le compositeur, l’interprète bien sûr. Mais aussi l’acteur et le réalisateur de cinéma. Parmi les dernières publications de la Fondation Jacques Brel, on ne dira jamais assez l’importance de la publication du livre Jacques Brel, chanteur .

Y est à nouveau accessible, en ordre chronologique, l’intégrale des chansons de Brel, depuis Les deux fauteuils (1953) jusqu’à la dernière, bouleversante d’émotion, dédiée à son ami-frère, Jojo.

Ce livre complète et accompagne une autre publication, Jacques Brel, auteur. Dans le texte introductif, France Brel précise la genèse de ce livre qui est né du souhait de conceptualiser les textes de (son) père, de souligner la récurrence de certains thèmes, comme celui du temps , et dans un souci de transmission, de mettre en évidence la cohérence de son oeuvre depuis ses premiers écrits jusqu’à ses dernières chansons.

C’est ici un livre de référence non seulement pour le récit qu’il fait de la vie de Brel, mais aussi pour la richesse iconographique de chacun des chapitres illustrés de photographies et de fac-similés Le lecteur sera aussi étonné de découvrir deux chansons composées par Brel pour le dessin animé Tintin et le temple du soleil (1969), ou par le disque Nos amis les mineurs (1966) dont Brel dit le texte.

Auteure et narratrice du livre, France Brel organise les archives en les commentant et en les agrémentant de souvenirs personnels pour évoquer Brel, depuis l’enfance jusqu’aux derniers instants du poète. Quelques exemples ? Un des chapitres du livre évoque les livres qui accompagnèrent sa jeunesse, comme Belliou la fumée, un roman de Jack London, ou les films qui le marquèrent profondément comme Les visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné, réalisateur pour lequel il interpréta le rôle d’un juge d’instruction dans le film Les assassins de l’ordre trente ans plus tard!

Ce n’est pas le lieu ici d’évoquer chacun des chapitres de ce livre indispensable, émouvant, érudit et passionnant. Une dernière mention encore pour évoquer Ce soir j’attends Madeleine, non, pas la chanson, mais les 34 épisodes diffusés sur Europe 1 en 1962, trente quatre récits où Brel prend l’auditeur par la main, l’invite à le suivre, l’emmenant dans ses bagages sur son itinéraire. (…) Le récit mélange la fiction et le réalité de sa vie de tournée. On rêve d’écouter ces chroniques sonores qui furent diffusées sur les ondes d’une des radios les plus créatives des années soixante.

Le film « J’arrive »…

(Uniquement sur réservation à la Fondation Jacques Brel à partir du 20 mars 2021), le public peut visionner le dernier film en date que France Brel consacre à son père, sous le titre J’arrive. Ce documentaire, constitué de témoignages et d’images d’archives (souvent inédites), est le premier d’une série à venir. Comme l’écrit France Brel, le film retrace les parcours décisions révoltes, remords et renoncements de mon père, pris dans le tourbillon des événements qu’il traverse pendant quelques mois. La période concernée va de mai 1973 (présentation à Cannes du film Franz premier long métrage réalisé par Brel ) à janvier 1974 (Brel décide, malgré les contre indications de ses médecins – il vient d’être opéré d’un cancer du poumon- de traverser l’Atlantique à bord de son voilier …). Les témoignages recueillis par France Brel ont une puissance d’évocation d’autant plus intense que, pour la plupart d’entre eux, c’est France Brel elle-même qui pose les questions. Ainsi, plusieurs témoignages s’éclairent d’une sensibilité et d’une sincérité à fleur de peau, comme les très émouvantes séquences qui donnent la parole à Miche, épouse de Jacques depuis le 1er juin 1950. Il y a aussi Jacques Chancel et Claude Lelouch (qui évoque l’éreintement critique dont le film de Brel a été la cible au festival de Cannes), le chanteur Antoine, l’imprésario Charley Marouani, le chirurgien Charles Nemry et tant d’autres qui confient à France Brel ce que Jacques a déposé dans leurs coeurs.

Terminons cette chronique en donnant la parole à France Brel avant d’en écouter l’interview ci-dessous: Mon père établissait toujours tacitement avec ses proches un contrat de discrétion respecté avec affection par celles et ceux qui appartenaient à ses cercles amicaux, amoureux ou familiaux. Jacques appréciait que chacun considère ce voile de pudeur qu’il ne cessa de déposer sur sa vie privée. la famille adopta une attitude de retenue depuis le début de sa vie publique et longtemps après. Toutefois, quelques mois à peine après son décès, certains s’empressèrent déjà de se répandre en affirmations, considérations ou anecdotes parfois mal étayées, souvent sorties de leur contexte. (…) Face à ces propos (…) le silence s’imposa, marque de respect pour de nombreux proches de l’artiste, parfois meurtris par des contre-vérités, mais surtout par l’infidélité à la consigne d’autrefois. Plus de quarante ans après la disparition de mon père, avec sérénité, la quarantaine des ces pèlerins du silence se termine.(…) France Brel

France Brel réalise ici un travail de mémoire, valorisant quarante années d’archives, mais aussi une vie de souvenirs, dont une part revient à ces grands témoins que France a invité dans ce (premier) film d’une série dédiée, non pas à l’hagiographie, mais à la recherche de ce qui fait d’un artiste, un être dont la vérité, davantage que pour bien d’autres, est tissée de contradictions et d’angoisses, de faiblesses et de forces, d’affirmations et d’incertitudes. Ce sont celles-là qui transparaissent dans l’oeuvre de Jacques Brel, ce sont celles-là dont témoignent, aujourd’hui, celles et ceux qui ont eu longtemps la pudeur et le respect de ne pas se répandre.

Jean Jauniaux, le 17 mars 2021

Interview de France Brel à propos de son film « J’arrive » sur Youtube et sur SOUNDCLOUD

« Jacques Brel, auteur » Sur le site de la Fondation Jacques Brel:

L’intégrale de ses textes commentés par France Brel.
Ce livre présente, dans la chronologie de sa vie, tous les textes écrits par mon père, depuis ceux rédigés au sortir de l’enfance jusqu’à ses dernières chansons. Parmi eux, une quinzaine sont publiés ici pour la première fois. Mes commentaires apportent des contextualisations. J’y glisse des éléments biographiques, j’ouvre ses cahiers de travail et je constate l’arrivée, l’abandon et les occurrences de certains thèmes, de certains mots. Citant plus de 150 témoins, j’évoque le foisonnement des rencontres de Jacques, le cheminement d’une pensée, sa soif de liberté, sa générosité, son besoin d’aimer, l’érosion de ses combats. Je mets en évidence des fils rouges, des intentions que mon père livre avec pudeur jusqu’à ses derniers mots. Cette présentation permet de lire les commentaires dans leur continuité, offrant au lecteur une trame biographique depuis sa jeunesse bruxelloise jusqu’au soleil des Marquises.Le livre propose plus de 350 illustrations, des documents et des manuscrits. Jacques reprend la parole à travers plus de 300 citations en provenance, pour leur majorité, de la presse de l’époque. Habité depuis l’adolescence par son besoin d’écrire, rêvant d’être reconnu comme auteur, mon père, pour gagner sa vie et faire connaître ses textes, commence sa carrière comme chanteur, pour peu de temps pensait-il… France Brel.

Pour visionner le film « J’arrive », il est indispensable de réserver en contactant la Fondation Jacques Brel par téléphone (025111020) ou par emailaccueil@fondationbrel.be