« La maison du Belge » le troisième volet de la trilogie romanesque d’Isabelle Bielecki, vient de paraître chez M.E.O.

Nous avions interviewé déjà Isabelle Bielecki au moment de la publication de recueils de poèmes (Les jalousies d’Aphrodite un recueil dont Eric Brogniet a magnifiquement analysé la puissance d’évocation « des poèmes maîtrisés, aboutis, évocateurs et célébrant les noces du sensible, du violent et du bel amour ! ») paru peu après le premier tome de ce qui est aujourd’hui un triptyque romanesque achevé. Les mots de Russie ouvraient ce cycle autobiographique, dont l’écriture romanesque permettait à l’auteure d’explorer les origines et de répondre à une promesse ancienne faite au père de la romancière-protagoniste romanesque. Le personnage de cette auto-fiction, Elisabeth, apparaîtra ensuite dans le deuxième volume du cycle dont le titre Les tulipes du Japon évoque un des jalons de la vie « civile » de l’auteure. Il restait à écrire la victoire de l’écriture, c’est à dire la réappropriation de l’identité et de la mémoire: c’est chose faite avec La maison du Belge , un roman dont les miroirs multiples reflètent à la fois les protagonistes de ces décennies de combat, mais aussi les lumières dont certains balisent un cheminement créatif d’un courage et d’une obstination hors du commun, l’écriture comme seule voie de salut. Naguère et aujourd’hui.

Il y a aussi, en la personne d’une mère de substitution, Marina, une des belles figures de « tutrices de résilience » dont la littérature nous donne parfois d’émouvantes figures. Le roman s’ouvre sur son évocation et s’achève sur les mots que lui attribue, à son décès, la narratrice: « Surtout continue d’écrire, Elisabeth ! »

A lire ce roman, on décèle aussi les différentes écritures auxquelles Isabelle Bielecki s’est depuis toujours consacrée en plus de la fiction romanesque: le théâtre et la poésie. Sans doute y a-t-il dans ces deux genres, le sillage souterrain de la langue originelle, le russe. Peut-être est-ce de là aussi que sont venues les constructions poétiques singulières dont la poète a littéralement créé le genre: les stichous.

Le roman La maison du Belge est paru aux Editions M.E.O. et vient ainsi enrichir le catalogue de cette maison créée et dirigée avec une infatigable énergie par le romancier Gérard Adam, dont on ne dira jamais assez la générosité et l’attention à l’oeuvre « des autres ». Nous l’avons interviewé à plusieurs reprises, que ce soit en tant que romancier ou éditeur. Le livre est précédé d’une préface éclairante de Myriam Watthee-Delmotte. Académicienne, auteure (ne citons que le mémorable livret de l’opéra Verlaine au secret) et essayiste littéraire (spécialiste de Henri Bauchau, elle est l’auteure d’un récent essai bouleversant Dépasser la mort – paru chez Actes Sud- qui décrit en quoi, sur le chemin escarpé et solitaire du deuil, l’expérience littéraire permet de « réélaborer du sens face à la mort de l’un des siens » ) Myriam Watthee-Delmotte scrute ici la force de l’écriture littéraire dans les combats pour l’identité.

Jean Jauniaux, le 19 février 2021

Sur le site des Editions M.E.O.

Après Les mots de Russie et Les tulipes du Japon, La Maison du Belge clôture la reconquête de sa mémoire par Élisabeth, fille d’un couple d’émigrés russo-polonais et personnage central de cette trilogie qui s’échelonne sur plus d’un demi-siècle. Ce troisième volet revient sur l’élaboration du premier. L’auteure livre les coulisses de ce livre qu’elle arrache aux contraintes, tant intérieures – briser l’amnésie, se réapproprier son passé, tenir la promesse faite à son père d’écrire sur lui, sur sa mère, sur leur huis clos de cauchemar – qu’extérieures – exprimer sa nature d’artiste et d’écrivain en dépit des manipulations d’un riche amant narcissique dont elle s’est follement éprise. Comme l’écrit l’académicienne Myriam Watthee-Delmotte, cet amant, « initialement vampirique, perd son combat contre son imparable concurrent qu’est l’écriture littéraire […] ».