« La femme de ma vie »: la tendresse de Floc’h

Il y a chez Floc’h une vocation au bonheur dont chacun de ses derniers livres témoigne avec une grâce et une délicatesse jamais prises en défaut. Nous avons rencontré à différentes occasions celui qui s’était fait connaître par la série anglophile initiée par Le rendez-vous de Sevenoaks et dont sept volumes viennent d’être réunis chez Dargaud sous le titre Une amitié singulière. Les scénarios co-signés avec François Rivière, s’inscrivaient dans le sillage des albums « ligne claire » des Hergé et autres Jacobs, dont les lecteurs de Pilote ou de A suivre redécouvraient à la fois la limpidité et l’exotisme.

C’est dans ses derniers livres, erronément installés dans les collections « jeunesse », que Floc’h dévoile ce que l’inspiration anglo-saxonne et la réserve « british » lui imposaient de tenir à l’écart. Avec les titres déclinant les questionnements liés à « la vie », Floc’h se détourne du quant à soi et ouvre, comme du castelet d’un théâtre de marionnettes, le rideau découvrant les saynètes de cette vie qu’il interroge à la manière de Montaigne: au plus près des vraies questions. Ecoutez-le évoquer à notre micro les « vies » déjà évoquées dans Une vie exemplaire (Hélium Editions, 2011), Où mène la vie? (Hélium Editions,2012) et La belle vie (Seuil Jeunesse, 2014). Nous écrivions à propos du premier de ces volumes ce qui, au bout du compte, s’applique aux trois : « Ne vous fiez pas aux apparences: Floc’h c’est de la tendresse à l’état pur. On comprend qu’il déploie autant d’efforts pour le dissimuler. Il fondrait comme friandise au soleil. »

Le quatrième opus des « vies de Floc’h », La femme de ma vie vient de paraître aux Editions Le dilettante. Ce roman d’amour, car c’en est un, de roman (graphique) et c’en est un, d’amour déroule au fil des pages l’autobiographie d’un couple. Le livre est né d’une question de Marion (à qui sont dédicacés les deux précédents livres) à son mari, Floc’h : « Tu n’as pas pensé à en faire un (livre) qui s’appellerait « La femme de ma vie? ». Il n’en faut pas plus à Floc’h pour se lancer dans l’aventure, ou plutôt dans l’exploration de cette aventure dont les épisodes sont la rencontre, le coup de foudre, la vie en commun, le mariage, les enfants à intégrer dans ce qui d’un couple devient une famille recomposée, mais aussi tous ces instantanés dialogués à deux, où apparaissent les différences ou les divergences. Mais de toutes celles-ci l’amour et l’humour font bien vite table rase.

Il y a chez Floc’h une inspiration née du bonheur qui fait de ce volume quatre-vingt pages d’émotion. Chaque dessin, chaque répartie, chaque dialogue enchantent le lecteur qui ne résiste pas, une fois la première lecture achevée, à y revenir. Il se rend compte alors que le gisement de tendresse ne s’épuise pas. Au contraire, à chaque relecture, un détail prend une force nouvelle, une réplique découvre sa polysémie, une gestuelle, un trait, un visage renouvellent le plaisir de partager une histoire d’amour et de la faire nôtre. La femme de ma vie vient ainsi compléter les vies de l’auteur que nous avions déjà lues et relues. Ce dernier titre en date (il y en aura d’autres, nous en faisons le pari!) nous révèle ainsi cette faculté irremplaçable des grands livres: nous démontrer, grâce à ce viatique littéraire et graphique, que nous ne sommes pas seuls à la vivre, cette vie!

Jean Jauniaux, le 4 février 2021.

Nous avons interviewés Floc’h par le biais d’internet, la pandémie et le confinement qu’elle impose, nous ayant interdit la rencontre dans le monde réel. En écrivant ces lignes, nous nous rendons compte que La femme de ma vie, comme les autres « vies » de Floc’h, nous restituent une part salutaire d’allégresse dont nous privent la Covid-19 et ses variants. En même temps que les vaccins à venir, ne faudrait-il pas prescrire des livres? Au premier rang desquels celui-ci et les autres « vies de Floc’h » ? La réponse, affirmative, est dans la question bien sûr!

Sur le site de l’éditeur:

De l’auteur, qu’on ne présente plus, on dira que c’est un classique, et qu’en cela il est résolument moderne. Quant à » La femme de ma vie « , c’est l’histoire d’une influence réciproque. Un livre idéaliste qui dépeint deux personnes heureuses de vivre et de s’aimer, en 80 pages, 76 images, et pour la vie entière.