Une revue littéraire où la fiction romanesque tente d’éclairer la complexité du monde
Les anciens numéros de la revue « Marginales » sont toujours disponibles (12€ pour les numéros simples). Il suffit d’envoyer un email à l’adresse revue.marginales@gmail.com
Les relire donne encore aujourd’hui un éclairage étonnant sur le monde d’aujourd’hui…Quelques titres sont particulièrement représentatifs de leur pérennité : « Comment va le monde, Môssieur ? », « Dessine moi une Belgique », »Le terme vraiment », »Le blues de la démocratie », »Introuvable travail », « Mystère Cash » etc…
Lorsque Jacques DE DECKER est élu au siège d’ Albert AYGUESPARSE à l’Académie Royale de Langue et Littérature, il s’engagea à ressusciter la revue que son prédécesseur avait créé au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Un récent numéro de Marginales
Dans l’éditorial du numéro il précise les orientations qu’il veut donner à cette seconde génération de « Marginales » : celles-ci s’inscrivent en droite ligne dans la filiation du nouvelliste Ayguesparse.
Voici ce qu’écrit Jacques DE DECKER dans le premier de ses éditoriaux, en introduction au « Marginales » qui porte le n° 230, LIIIème année :
« Lorsqu’il y a sept ans la revue Magistrales a cessé de paraître, cette disparition a été unanimement regrettée. C’est qu’elle avait joué un rôle primordial dans les lettres françaises de Belgique, en donnant leur chance à d’innombrables jeunes écrivains, en reflétant les courants les plus divers de notre littérature, dans un esprit d’ouverture qui lui avait été insuflé par son fondateur, Albert Ayguesparse, qui continua à l’animer jusqu’à l’épuisement de ses forces. Lorsqu’il déclara forfait, il avait atteint un âge où d’autres auraient déjà renoncé depuis longtemps.
Je fus l’un de ces jeunes épris de littérature auxquels Ayguesparse ouvrit généreusement les pages de sa revue, j’y ai œuvré sous son amicale férule durant quelques années, j’y ai appris beaucoup, depuis la technique de la correction des épreuves jusqu’à l’éthique qui doit présider à la gestion de cette aventure de l’esprit qu’est la conduite d’une publication littéraire.
Lorsque les hasards de la vie ont fait qu’après la mort d’Albert Ayguesparse, les académiciens belges m’ont appelé à lui succéder, il m’est rapidement apparu que je me devais de prolonger au moins le volet de son activité dont il était possible de prendre le relais : l’animation de « Marginales ».
C’est la raison intime, personnelle, de ce nouveau départ.
Il en est une autre, plus importante sans doute : il devenait urgent qu’une revue dote les auteurs belges d’une tribune. Pas seulement pour y donner la primeur de leurs travaux en cours, mais pour y faire entendre leur voix dans le concert social. Notre pays est depuis deux ans ébranlé par des débats fondamentaux, qui l’obligent à s’adapter aux nécessités d’une société moderne appelée à répondre aux défis d’un avenir hypothétique. Dans le tohu-bohu médiatique qui accompagne cette grande mutation les écrivains se sont peu fait entendre. C’est qu’ils n’émettent pas sur les mêmes longueurs d’ondes que les discours dominants.
Il est cependant précieux que, par les moyens qui sont les leurs et qui relèvent de la fiction, de la poésie, de la méditation non utilitariste, ils puissent apporter leur point de vue.
Dans chacune de ses livraisons à venir, Marginales mettra aussi des auteurs au pied du mur de l’actualité, pour qu’ils l’éclairent sous un autre angle.
On n’y lira pas de comptes rendus critiques, la priorité étant délibérément donnée à la création.
Mais on aura l’occasion d’y découvrir des inédits d’écrivains confirmés ou de débutants complets. Et la porte y sera aussi toujours ouverte aux étrangers de passage auxquels nos traducteurs auront prêté leur talent.
Marginales entame sa seconde vie. »
Le premier numéro de la revue s’intitulait « La grande petite évasion » et se partageait en trois rubriques, correspondant aux trois vocations que Jacques De Decker évoquait dans son éditorial :
« L’air du temps », pour « faire entendre la voix des écrivains dans le concert social », réunissait, entre autres , les contributions de Gaston Compère, Jacques Crickillon, Pascale Fonteneau
« La Rose des Vents », « ouverte aux étrangers de passage » et dans laquelle, pour ce premier numéro, figurait un poème (« Exercice de survie ») de Horia BADESCU, extrait de son recueil « Ronsetes » et traduit par Paola BENTZ-FAUCI et Werner LAMBERSY.
« Chantiers et fragments », l’occasion de découvrir des inédits, des bonnes feuilles de livres à paraître. Dans le premier numéro, Jean TORDEUR donnait le poème « Poste fixe » et Pierre MERTENS, quelques pages d’un roman en cours d’écriture.
Ainsi prit son envol, au cours de l’été 1998, la deuxième génération de « Marginales », avec ces trois spécificités : un point de vue d’écrivain sur des thèmes donnés, imposés ; l’ouverture à d’autres littératures que la littérature belge francophone et, notamment, la littérature européenne ; enfin, une vitrine pour des œuvres en cours.
Avec le recul, presque dix ans !, il est possible de ranger les thèmes des livraisons sous différentes catégories.
On trouve tout d’abord l’histoire, avec un grand H et ses déclinaisons plus ponctuelles.
C’est dans cette catégorie que se situe l’ Europe ayant inspiré plusieurs livraisons de Marginales. :
« Alors, €ureux ? »,
« A l’Est toutes », sur l’élargissement annoncé de l’UE
« Europile ou Euroface », consacré au referendum français sur la Constitution européenne.
L’actualité planétaire est aussi abordée avec des sujets comme :
« Impressions d’Afrique »
« La coupe est pleine »
« Veaux vaches cochons couvée », consacré à la déterioration de la chaîne alimentaire lors de la crise dite de la vache folle.
« Septembre Gong », évidemment comment ne pas aborder ce séisme planétaire que fut le 11 septembre ?
« Le Monde selon Bush », à la veille du déclenchement de la guerre d’Irak,
« Devant nous le déluge » nous interrogeait au plus secret de nos consciences sur « ces morts de tous pays engloutis par un raz de marée dessiné mieux que personne par Hokusaï (…qui) ont, par leur solidarité forcée, proclamé le besoin d’une autre solidarité, foncière et à long terme, qui serait la face généreuse d’une mondialisation à sens unique » (JJD, dans son éditorial du n° 257)
Enfin l’actualité communautaire belge, y compris dans ses méandres institutionnels difficilememnt compréhensibles sans une capacité d’imagination et d’inventivité proche du surréalisme, a inspiré plusieurs livraisons, outre la première déjà évoquée :
« La Belgique, stop ou encore »
« Bruxelles est un pluriel »
« Wallonie revue, Wallonie rêvée » et
« Wallonie deuxième »
(Deux numéros sur la Wallonie !)
« Les fla les fla les flamands »
« Justine ou les fortunes de la vertu »
« Dutroux au fond »
« Vlaanderen voor vlaanderen »
(Deuxième numéro sur la Flandre…l’équilibre est atteint.)
Les sujets sur des thèmes « artistiques » au sens large ont été les suivants :
« Ellington, Hitchcock et nous »
« Psychopathologie de la vie quotidienne »
« Victor Hugo c’est nous »
« Othello, Lear, Macbeth : quatre siècles de scène »
« Lolita quinquagenaire »
Chacun des numéros fait l’objet d’un éditorial de Jacques De Decker. Dans celui qui ouvre le n° 254, consacré en 2004 à « L’été de tous les dangers », et qui, me semble-t-il, résume à la fois l’ambition, l’esprit et les limites d’une revue, tout en démontrant combien elle est indispensable :
« Une fois encore Marginales s’avance sur un terrain que seule la littérature peut aborder sans œillères, parce qu’elle s’efforce de ne préjuger de rien. Un auteur ne représente que lui-même, il est un vagabond solitaire sur les pistes du présent. Il capte et il répercute et de ce fait, il alerte et met en garde. Il ne prétend pas être omniscient, mais se mêle obstinément de ce qui ne le regarde pas. »