Le premier roman de Daniella Pinkstein s’inscrit sous le titre envoûtant d’un vers de Baudelaire et d’un exergue de Vaclav Havel, extrait du discours qu’il prononça à Strasbourg en 1990, année où l’Europe a basculé. Daniella Pinkstein a construit son récit autour de deux figures féminines, Emma et Blanche, dans un espace et une histoire éclatés, en fragments comme des étoiles au firmament, ou en épisodes discontinus comme un chemin de la mémoire.
La lecture que nous en faisons est escortée par des balises qui à la fois nous éclairent et nous émeuvent : elles sont autant de citations de textes fondateurs, de Rilke à Sophocle. Et puis, il y a, en filigrane, l’Europe rêvée, l’Europe déchirée, l’exil et la perte des repères de l’histoire. Et de très belles figures romanesques qui font de ce livre une métaphore de la fin du siècle, à l’instar de Tatiana, personnage qui semble l’emblème de l’Histoire telle que seul le roman peut nous la donner à ressentir, donc à connaître.
Voici un premier roman qui se lit d’une traite, nous hypnotise par la langue, et ne cesse de nous intriguer, longtemps après l’avoir refermé.
Edmond Morrel
L’entretien avec Daniella Pinkstein s’accompagne d’un extrait lu par l’auteure.
Sur le site de l’éditeur :
Peu après la chute du Mur, deux jeunes femmes de Budapest, l’une juive et l’autre non, amies d’enfance avec tout ce que cela comporte d’ambiguïtés et de non-dit, émigrent en France à l’insu l’une de l’autre. Deux errances, dans lesquelles l’une d’elles usurpe l’identité de l’autre, et qui convergent dans l’amour doublement illusoire d’un autre errant.
« Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ? », ces femmes sans illusions, ces hommes errants, ces âmes précipitées à contresens. Tantôt confidents, tantôt narrateurs, ils poursuivent le spectre vagabond d’une Europe devenue fantôme d’elle-même, naguère broyée entre le socialisme réel de l’Est et le monde de l’Ouest, si attendu, si espéré, qui se révèle hélas si vide, si désespérant. Pourtant, nous avions tant d’outils intellectuels, tant de penseurs exceptionnels pour avancer, reconstruire l’avenir après la guerre, tant de figures audacieuses auxquelles nous atteler. Ce livre est un hommage à ceux qui ont espéré, ceux auxquels l’Europe d’aujourd’hui tourne de le dos, entre méfiance envers la culture (voire animosité) et attirance indigente du vide. À chaque pas, à chaque tour du cadran, ils résistent à l’effarante étrangeté de notre époque, écartant leur destin, comme celui de tout un continent, de sa fatalité.
Jane Austen pensait que la femme de son époque écrivait dans « l’ourlet » de la littérature. Chaque femme écrivain, d’une certaine manière, a repensé le monde, les yeux levés au ciel, partagée entre héritage et résurrection. Daniella Pinkstein s’inscrit dans leur sillage