Dernier recueil en date de Serge Meurant, ce volume ( orné d’un frontispice de Michelle Corbisier) nous donne une nouvelle occasion d’aller à la rencontre de ce poète sensible et attachant dont la phrase épurée dit l’essentiel, l’exprime et le donne à voir, sans artifices ni faux-fuyants. Lorsque la poésie est aussi lumière sur les choses, elle n’a pas besoin de se réfugier dans le paraître poétique. Meurant en donne une nouvelle démonstration éclatante.
Nous l’avions rencontré déjà à deux reprises. Ces entretiens sont toujours accessibles sur espace-livres. Le premier à propos de la publication de « Conversation » d’Elisabeth Ivanovsky (avec Serge Meurant, Editions Tandem) et de la ré-édition de « Gages et autres poèmes » de René Meurant (Le Taillis Pré), nous avions demandé à Serge Meurant d’évoquer ces deux artistes majeurs. ; le second à propos de « L’Orient du chemin »
Edmond Morrel
« Au cœur du livre, il y a l’expérience de l’auteur en salle de réveil — expérience passée au tamis d’une parole économe et précise, filtrée de toute anecdote pour mieux atteindre à l’essentiel. La « chambre d’éveil » est ce lieu où l’on revient à soi et où se confrontent le réel et les images dynamisées, dopées, du corps abîmé, de paysages anciens, d’ascensions dans le brouillard, entre veille et sommeil. On pourrait rapprocher cette chambre de celle de Joë Bousquet. Il s’opère un retournement des choses où alors qu’on allait vers elles, elles viennent à vous et se condensent, en ce moment d’immobilité contrainte, en images mémorielles, où perce une douleur. C’est au chevet de cette mémoire que se trouvent soudain convoquées les figures des disparus et de ceux qui s’éloignent aujourd’hui. Ils constituent une fratrie. Chaque être évoqué vit enfermé dans une chambre forte, un mutisme, ou l’éclair d’une mort imminente. Le poète aimerait parcourir d’un seul regard l’espace entre naissance et mort. Le temps de la généalogie s’abolit alors, les visages s’imposent en retrait et paradoxalement présents. L’impression nous vient qu’ils sont « au secret » de la mémoire mais que la main pourrait les toucher en rêve. La langue, sa naissance et sa perte, constitue une autre voie de lecture du livre : du mutisme de l’enfant métamorphosé par l’accès à la langue au terrible silence de l’agonie. Ceux qui s’éloignent est une sorte de veille, un état second, où tous les sens sont convoqués, pour rappeler à soi ceux qui s’éloignent, comme les braises du souvenir raniment la présence. »