Florence Silvestri: l’exploration des vertiges.

Du 24 mars au 23 avril, Florence Silvestri expose à Liège dans la Villa Gallery (1, Parc de la Boverie, 4020 Liège, à une centaine de mètres du Musée de la Boverie). C’était là une occasion de rencontrer l’artiste et de l’interroger sur son parcours artistiques, ses sources d’inspiration, ses techniques. Un catalogue-monographie paru aux Editions Marot (1919) nous offre quelques pistes d’approche d’une oeuvre composite, tant par les formats que par les supports et les techniques. A Liège, les cimaises de Villa Gallery s’ornent de toiles grand format, de photographies sur panneau et de sérigraphies (suspendues sous verre dans un encadrement qui les met particulièrement bien en valeur).

Dans l’introduction au catalogue, Jan Martens identifie avec justesse la dimension architecturale des oeuvres de Florence Silvestri, et l’inspiration que lui insufflent les villes (en particulier Shanghai et New-York) que « son oeuvre picturale finit par exploser en une vaste fresque de paysages urbains. » Les villes sont aussi au coeur de plusieurs des photographies exposées comme Chicago et Rockfeller Plaza . L’artiste transfigure littéralement la géométrie du lieu en y superposant son regard ou les éléments constitutifs de sa perception du monde, l’appareil photographique derrière lequel on devine la photographe et les circuits intégrés. Ces derniers apparaissent aussi comme matrices des sérigraphies dont Florence Silvestri investigue la fausse harmonie, l’équilibre trompeur, les trajectoires d’apparence rassurante tout en exaltant la fragilité des ces lignes et points labyrinthiques. N’est-ce pas l’énigme d’un langage inconnu qu’elle tente ici de dénouer dans l’aplat, invitant notre regard à suivre les itinéraires comme si d’une écriture indéchiffrable, elle allait nous indiquer la dimensions symbolique? Le spectateur aligne alors son regard sur les pistes colorées et y projette un imaginaire visuel, sonore, émotif.

https://youtu.be/QW7G7mVZA4U

De la même façon, dans l’oeuvre picturale, l’artiste affronte le vertige de la verticalité des mégalopoles en collant sur la toile des circuits intégrés en guise d’édifices. Les vestiges technologiques ayant perdu leur usage retrouvent ici une esthétique dont seul le regard peut les doter. N’y a-t-il pas ici une parabole de la fonction de l’art et du regard de l’artiste? Ce qui fut un assemblage fonctionnel (né au hasard d’un bricolage dans les ateliers de Texas Instrument en 1958 et qui valut un Prix Nobel à son inventeur 42 ans plus tard…) s’intègre, entre les mains de l’artiste, à une troisième dimension, associant la technologie obsolète et l’interprétation sans cesse renouvelée de celle-ci à l’intérieur d’un espace urbain vertical.

L’univers de Florence Silvestri se déploie dans une inspiration renouvelée sans cesse à partir d’éléments fondamentaux qu’elle assemble et interroge pour nous en proposer des visions stimulantes et nous mettre en résonance avec les réseaux qu’elle compose, comme une partition musicale ou la scénographie d’un ballet.

Jean Jauniaux, le 29 mars 2021.

Sur le site de Florence Silvestri:

Florence Silvestri , italienne vivant à Bruxelles, a étudié la peinture et la céramique à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre, la peinture, la gravure et la sérigraphie à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, la photographie à l’Académie d’Ixelles et l’histoire de l’art aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Belgique. A cet apprentissage théorique, elle a ajouté une longue expérience sur le terrain de la découverte.  Les photographies –  qui sont aussi  une composante essentielle de son œuvre picturale – ont été réalisées au cours de ses nombreux  voyages d’exploration. Ceux-ci lui ont également permis récolter les diverses matières premières – sable et pierres –  et confèrent au travail de Florence Silvestri  son authenticité et sa marque d’origine. Le parcours artistique de Florence Silvestri  ( née en 1967 ) est riche et varié. Après une formation académique en peinture, gravure, sérigraphie,  photographie et histoire de l’art, elle exploite ses connaissances en ces diverses disciplines dans des créations multimédia. Lorsqu’elle commence à peindre dans les années quatre-vingts, elle est fascinée par la ligne et la perspective dans un esprit constructiviste. Ensuite, dans l’abstraction de ses premiers grands formats, elle déploie ses talents en peinture monumentale qu’elle continuera de privilégier pendant toute sa carrière. Elle s’essaie avec succès aux mélanges de techniques et de matériaux divers, avec des alliages de pigments, sables, pierres et circuits imprimés. Son sujet de prédilection est la ville, qu’elle photographie en Europe, en Amérique et en Chine, et couvre de collages de sérigraphie, de matière minérale, de peinture à l’huile et de circuits intégrés. Dans ses derniers travaux, de ces vastes constructions composites matiéristes, se libèrent la photographie, désormais au service de l’exploration du Moi par l’autoportrait, ainsi que la sérigraphie, qui chante en lignes et couleurs la beauté plastique du circuit intégré, métaphore suprême du tissu urbain et corporel.