Jan Baetens : pour une poésie du dimanche …

Les impressions nouvelles

Georges Bataille se demandait : « Comment nous attarder à des livres auxquels, sensiblement, l’auteur n’a pas été contraint.. ».

Avec Jan Baetens, la question ne se pose pas. Ecrivain et poète vrai, l’auteur de « Pour une poésie du dimanche » par son talent, son travail d’orfèvre, son engagement dans l’acte d’écrire nous donne le bonheur de lire, et de relire, de nous attarder sans fatigue ni lassitude sur ces sonnets qu’il consacre aux poètes du dimanche.

« Une littérature gagne à s’ouvrir à celles et à ceux qui la choisissent librement – par conviction, par désir, par amour. » Jan Baeten a choisi d’écrire dans une autre langue que sa langue maternelle… »C’est le défi que pose le choix d’une langue étrangère qui m’a permis de trouver ma voix et ce sont les exemples de la littérature française et belge qui m’aident à me faire étranger à moi-même – condition sine qua non, selon moi, de toute parole véritablement littéraire. Écrire n’est pas une manière de s’exprimer, mais une façon de « partager le sensible », pour citer Jacques Rancière, c’est-à-dire une façon de proposer aux lecteurs de nouvelles façons de voir le monde – et le mot important est ici « monde », non le mot « moi ».

Jan Baetens s’impose des contraintes pour ne pas s’exprimer, lui. La contrainte de la forme (le sonnet) et du sujet (les poètes du dimanche) paradoxalement, va libérer le poète, ou plutôt le travail du poète.

Trois poèmes sont des « autoportraits ». Voici l’extrait de l’un deux :

« apprends le féminin de livre
et pèse tes mots à l’instar
des jours qui te seront comptés »

En interrogeant Jan Baetens, je lui propose des lectures de son texte…et c’est bonheur de se fourvoyer ! Il évoque quelques uns de ses modèles comme Christophe Tarkos, péagiste.. !!

« ne trouve-t-on le rythme
des poèmes en se levant
de table pour aller faire la vaisselle »

Un recueil à découvrir, une personnalité à écouter…

Edmond Morrel

Pour son précédent recueil, »Cent fois sur le métier », Jan Baetens a été couronné du Prix triennal de poésie 2007 de la Communauté française de Belgique

Voici les poètes auxquels Jan Baetens consacre un sonnet et leur métier de semaine :

AUTOPORTRAIT à cinquante ans
Georges BATAILLE, bibliothécaire
Lucien BECKER, préfet de police
Gottfried BENN, dermatologue
Stéphane BOUQUET, danseur & scénariste
Alfred BRENDEL, pianiste
René Guy CADOU, instituteur
Jean-Luc CAIZERGUES, machiniste d’opéra
Paul CLAUDEL, diplomate
Arthur CRAVAN, boxeur
J.V. FOIX, pâtissier
FRANQUIN, médecin
Maurice GREVISSE, grammairien
Bernard HEIDSIECK, banquier
François JACQMIN, R.P. des fonderies d’acier Cockerill-Sambre
Jim JARMUSCH, serveur
Moi JE (pseudonyme), universitaire
Abbas KIAROSTAMI, cinéaste
Francis LALANNE, chanteur-président de club de football
Jan LAUWEREYNS, chercheur en psychologie expérimentale
Javier LENTINI, proctologue
MAÏAKOVSKY, commissaire du peuple
MAO Zhe Dong (dit Mao Tsé Toung), homme politique
Henri MESCHONNIC, traducteur de A à – aha – …
Joseph NDWANIYE, infirmier
Paul NOUGE, chimiste
Jean PAULHAN, surveillant de jardin botanique
Charles PENNEQUIN, gendarme
Antonio PIZZUTO, Interpol
Le POETE INCONNU
Marc QUAGHEBEUR, directeur des AML
Jehan RICTUS, chansonnier-compositeur
Jacques ROUBAUD, mathématicien
Bernardo SCHIAVETTA, psychiatre
Wallace STEVENS, assureur
Christophe TARKOS, péagiste
Vincent THOLOME, animateur d’ateliers d’écriture
Jan TSCHICHOLD, typographe
Rudolph VALENTINO, acteur
Dominique de VILLEPIN, maître-nageur
ANONYMES, métiers inconnus

Présentation par l’éditeur :

La poésie n’est pas seulement faite par les poètes, mais aussi par des gens qui exercent un métier normal, sans rapport avec l’écriture ou la littérature. Le but de ce recueil, qui est à la fois une création personnelle et un essai sur la poésie, est de montrer que la poésie a tout à gagner d’une telle situation. C’est en effet grâce au travail des poètes que la poésie peut se rapprocher à nouveau de ce qui lui fait le plus défaut aujourd’hui : la vie. Le recueil offre un panorama de la poésie d’hier et d’aujourd’hui. Il évoque pour une cinquantaine d’auteurs souvent très connus (de Jacques Roubaud, mathématicien, à Wallace Stevens, assureur, en passant par Alfred Brendel, pianiste, Mao Zhé Dong, homme politique, ou encore Jean-Luc Caizergues, machiniste d’opéra) les jeux et les glissements entre le métier et l’œuvre.