Érasme et les Jeux olympiques…: »Citius,altius,fortius »

Nous ne résistons pas à partager le point de vue « érasmien » sur les J.O. que nous propose Jean-Pierre Vanden Branden, directeur-conservateur honoraire de la Maison d’Erasme (Anderlecht) et, sans doute, son plus éminent spécialiste. Nous l’avions rencontré à l’occasion de la parution d’une somme qu’il lui avait consacrée sous le titre « Érasme et son temps ». Jean Jauniaux

« Depuis l’annonce tonitruante de l’organisation des Jeux Olympiques de Paris, j’ai tendu l’oreille attentivement car j’avais une idée précise derrière la tête. J’ai analysé toutes les informations, communications et les discours, aussi bien des autorités organisatrices qu’officielles, gouvernementales que municipales, médias et presse internationale.
Maintenant que ces Jeux sont terminés, j’avoue que je suis déçu car l’essentiel n’a jamais été dit ! J’ai la pénible impression d’être seul au monde (et cela me désole) à connaître la vérité car c’était maintenant ou jamais qu’il fallait informer l’univers que si le refondateur des Jeux antiques en 1894 : le baron Pierre de Coubertin (1863-1937) a proposé comme devise olympique : « Plus vite, plus haut, plus fort », c’est parce qu’il l’a « empruntée » à Érasme qui a écrit cinq siècles plus tôt : « citius, altius, fortius ».

Si le baron n’a pas cru nécessaire de citer ses sources c’est sans doute pour ne pas paraître pédant aux yeux des sportifs qui, à cause des temps considérables consacrés à leur entraînement intensif, n’ont pas eu le loisir de « faire » du latin …

Il va de soi que cette sentence érasmienne n’a aucun rapport avec une quelconque activité sportive ou une compétition de gymnastique, de cyclisme, d’arts martiaux, de course à pied, de saut en hauteur avec ou sans perche, ni même  de tirs à l’arbalète ou de plongeons vertigineux dans d’interminables piscines bleues et moins encore de vitesse frénétique dans celles-ci (pardon Monsieur Léon Marchand !) mais de pensée morale et philosophique.

Tout homme a un devoir quotidien de tendre vers la perfection, de se dépasser en permanence, de « sortir de sa zone de confort », expression répétée très souvent par les commentateurs, d’être meilleur aujourd’hui que hier, de ne prendre que de bonnes résolutions, de ne pas tarder à rendre service et à se rendre utile à la collectivité, de pratiquer la bienveillance, le respect de l’autre, ce qui implique un refus de la médisance et de la calomnie.

Il est impératif de laisser à quiconque le droit de penser ce qu’il veut et comme il veut, de pratiquer le libre arbitre et la tolérance, de maîtriser la tendance (trop) humaine à l’indifférence et à l’égoisme, de ne pas prendre trop vite une décision qui pourrait n’être pas judicieuse (c’est le fameux adage 1001 : « festina lente » : « hâte- toi lentement »), ne jamais s’endormir sur ses lauriers, de se laisser imprégner par les sagesses antique et chrétienne en lisant beaucoup  et étudiant avec application les textes les plus honorables.

Érasme enseigne le respect de soi-même. Il conseille de se laver les mains plusieurs fois par jour et une hygiène régulière pour remédier à saleté et à la puanteur (qui fut sa hantise car il avait apparemment le nez fin). Ceci explique aussi sa particulière aversion pour l’ivrognerie et pour l’ivresse qui abaissent l’homme et obnubile sa conscience.

C’est le prix à payer pour mériter le titre respectable d’homme de bien. »

Jean-Pierre Vanden Branden