François Truffaut, « Correspondance avec des écrivains »…le bonheur d’écrire.

Les Editions Gallimard publient – avec le soutien de La Fondation La Poste -les échanges épistolaires d’écrivains, de politiques, de cinéastes. On se dit, en lisant ces ouvrages dont les épistoliers sont Camus, Mitterand et bien d’autres que notre époque a beaucoup perdu en privilégiant les courriers électroniques, et autres échanges à travers les réseaux sociaux. Dans l’attention à laquelle s’obligent celles et ceux qui s’écrivent en sachant que leur correspondance n’est pas instantanée, une vigilance, une prévenance, un soin à l’égard de la pensée justement formulée, à l’égard de la marque d’affection ou d’amitié ou d’amour exprimée, une ferveur à ne pas relâcher la formulation en la réduisant à quelques caractères, il y a une richesse d’expression inépuisable. La « Correspondance avec des écrivains » de François Truffaut ne constitue pas une exception à ce constat. Ce volume vient compléter celui, intitulé Correspondance , paru en 1979 aux Editions des Cinq continents (réédité ensuite au Livre de poche). On lira avec émotion les courriers que le jeune cinéaste envoie à et reçoit de Jacques Audiberti, Cocteau, jean Genet…

Une attention particulière nous porte vers les quelques lettres que le cinéaste échangea avec l’écrivain belge Bernard Gheur. Ce dernier avait consacré à ces échanges un roman-récit Les orphelins de François , un ouvrage très attachant paru chez l’éditeur Olivier Weyrich dans la collection Plumes du Coq. Toute l’émotion du romancier est dans ces quelques lignes qui présentent son livre: « Et moi, que serais-je devenu si François Truffaut n’avait pas existé ? À 16 ans, je n’aurais pas parcouru les rues de Liège une caméra à la main, ni fait la sortie des écoles de filles, en quête de jolies actrices. À 17 ans, je n’aurais pas pris le rapide Moscou-Paris de 00h10, aux Guillemins, pour découvrir un film en exclusivité, remonter les Champs-Elysées, sonner à certaines portes. À 20 ans, sans sa lettre merveilleuse, sur papier pelure, postée à Paris, je ne me serais pas jeté dans l’écriture d’un roman. Et, à 39 ans, quittant mon journal un dimanche soir d’octobre, après le bouclage de la dernière édition, je ne me serais pas mis à pleurer comme un enfant perdu… » (Bernard Gheur)

La lettre qu’évoque Bernard Gheur, « merveilleuse, sur papier pelure », se trouve bien sûr dans l’édition de la Correspondance avec des écrivains de François Truffaut. Et elle y est bien à sa place…

Jean Jauniaux, le 31 mai 2022.

Sur le site des Editions Weyrich:

« Le 24 octobre 1984, au cimetière de Montmartre, Claude de Givray prononce l’éloge funèbre de son ami François Truffaut. « Si François n’était pas né, s’il n’avait pas été cinéaste… » Et moi, que serais-je devenu si François Truffaut n’avait pas existé ? À 16 ans, je n’aurais pas parcouru les rues de Liège une caméra à la main, ni fait la sortie des écoles de filles, en quête de jolies actrices. À 17 ans, je n’aurais pas pris le rapide Moscou-Paris de 00h10, aux Guillemins, pour découvrir un film en exclusivité, remonter les Champs-Elysées, sonner à certaines portes. À 20 ans, sans sa lettre merveilleuse, sur papier pelure, postée à Paris, je ne me serais pas jeté dans l’écriture d’un roman. Et, à 39 ans, quittant mon journal un dimanche soir d’octobre, après le bouclage de la dernière édition, je ne me serais pas mis à pleurer comme un enfant perdu… » (B.G.)

Sur le site de Gallimard:

Sur une photographie ancienne, il est cet enfant sage et mélancolique, déjà penché sur son livre… « Tout au long de notre vie, écrit François Truffaut, nous devenons des personnes différentes et successives, et c’est ce qui rend tellement étranges les livres de souvenirs. Une personne ultime s’efforce d’unifier tous ces personnages antérieurs. » Depuis sa première lettre de jeune cinéphile à Jean Cocteau, en 1948, jusqu’à sa disparition prématurée en 1984, c’est son goût commun pour la litt érature et le cinéma qui traverse cette Correspondance inédite.
Truffaut s’y réinvente une famille de cœur auprès de ses écrivains de prédilection (Genet, Cocteau, Audiberti, Louise de Vilmorin), sollicite des figures renommées de l’édition (Jean Cayrol, Marcel Duhamel, Robert Sabatier) et les auteurs qu’il veut adapter à l’écran (Maurice Pons, David Goodis, Ray Bradbury, Henri Pierre Roché, René-Jean Clot…).
Ce sont les coulisses de la création, les passions des tournages que l’on découvre ici, mais aussi les remises en question et les zones d’ombre d’un homme pressé, auquel le temps va cruellement manquer… Et c’est à son ami Jean Mambrino, le père jésuite rencontré en 1954 dans le sillage d’André Bazin, que Truffaut adresse ce dernier petit mot, quelques mois à peine avant sa mort : « Bonne année 1984, mon cher Jean. Je remonte la pente, je lis vos poèmes, ils m’aident et vos signes d’amitié me touchent beaucoup, affectueusement vôtre, françois. »