Hergé est entré cette semaine dans une nouvelle ère de sa gloire. Le relais pris par Spielberg et Jackson, deux des meilleurs cinéastes au monde, pour le faire exister au cinéma au niveau artistique que son génie demandait va lui conférer, et avant tout à son personnage, un statut véritablement mythique.
C’est le moment de se souvenir qu’à l’origine de cette prodigieuse aventure il y a un dessinateur bruxellois autodidacte, qui a débuté des plus modestement, à une époque où les publications enfantines en étaient à leurs balbutiements, où le cinéma ne parlait pas encore, où l’Europe se remettait d’une première catastrophe et s’acheminait vers une seconde qui serait précédée d’une crise annonciatrice de celle que nous connaissons aujourd’hui. Tintin s’est appelé Totor, a été longtemps maladroitement dessiné, est resté imprégné des idées les plus conventionnelles de son temps, avant, peu à peu, d’atteindre à une maîtrise que plus personne, aujourd’hui, ne songerait à contester.
La bibliographie sur Hergé et son personnage est copieuse, on le sait. Elle bénéficie de la contribution des meilleurs esprits, des philosophes comme Michel Serres, des biographes comme Pierre Assouline, des experts de sa vie, de son œuvre et de son langage comme Benoît Peeters, et quelques autres de grand talent. Il n’empêche que le nouveau livre de Benoît Mouchard et de François Rivière ne fait nullement double emploi avec les ouvrages précédents.
Il correspond très exactement à son titre d’abord : « Portrait intime du père de Tintin ». On s’y trouve, de fait, très proche de l’artiste, de ses doutes, de ses fragilités, de ses angoisses mêmes. Sans sacrifier à la psychanalyse de comptoir, sans jamais, surtout, s’indigner ne fût-ce qu’implicitement devant telle faute de jugement ou telle dérive idéologique, ils nous font les témoins du parcours d’un homme tout compte fait très ordinaire, à ceci près qu’il était appelé à cultiver un talent potentiel immense, et qu’il allait élever son langage, encore méprisé à l’époque où il oeuvrait, au niveau d’une expression artistique majeure.
Cette métamorphose, les auteurs, à qui on dit déjà un excellent livre sur Edgard P. Jacobs, nous la font toucher du doigt, du fait de leur connaissance intime, le mot n’est pas usurpé, de leur sujet et du talent romanesque de François Rivière, à qui l’on doit quelques portraits magistraux d’autres maîtres de l’imaginaire, comme Agatha Christie, J.M. Barrie, le père spirituel de Peter Pan, Patricia Highsmith ou Enid Blyton. Ce qui ressort très fort de cette lecture, c’est le don d’enfance de Hergé, accompagné comme miraculeusement d’une évidente ambition et d’un grand discernement dans la conduite de sa carrière, malgré des erreurs de parcours qu’il a dû payer cher sur le plan personnel.
Du coup, ce livre qui est loin de nous dire tout sur Hergé, qui ne cherche d’ailleurs pas à le faire, parvient mieux que tout autre à nous le faire ressentir de l’intérieur.
Jacques De Decker
Les « Marges » s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des « Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri » interprétées par Eliane Reyes
Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69
Référence : NAXOS 8.572530