Dans ma peau

Un écrivain est né de sa propre souffrance et des fantômes des batailles de la Somme

Guillaume de Fonclare est le Directeur Général de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne.

Il est aussi écrivain, entré d’emblée en Littérature avec son premier livre « Dans ma peau ». L’écriture, il l’a découverte dans le champ de bataille qu’est son propre corps atteint d’une maladie dite « orpheline », une forme de myopathie qui endolorit chaque parcelle de chair et de muscle de cet homme de quarante ans.

« Dans ma peau » raconte, dans toute la puissance d’évocation que permet la littérature, la souffrance d’un homme atteint d’une de ces maladies qu’on appelle « orpheline » : « aucun accident, aucune violence n’est à l’origine d’un tel état ; ce n’est qu’une intime cruauté dont je suis à la fois l’initiateur et l’objet » écrit-il.

Le livre entrelace le témoignage de la souffrance individuelle avec celle dont témoigne l’Historial de la Grande Guerre à Péronne » dont il est le directeur…

Nous avons voulu savoir comment est venue la nécessité d’écrire en mêlant les fantômes des soldats à la vie de celui qui la résume ainsi : « Je souffre, c’est tout »… ou, et c’est terrible, « je suis le plus vivant de tous ces fantômes »… La littérature transcende-t-elle la souffrance ?

J’ai essayé de comprendre ce qui faisait de son livre une œuvre littéraire dans le plus beau sens du terme, au delà du récit qu’il donne à connaître. Au fil de la lecture, je me disais que l’auteur avait réussi à transformer sa propre souffrance en une métaphore de la violence, incarnée par ces champs de bataille dont il est le « passeur », réalisant chaque jour ce que lui-même appelle « le devoir d’Histoire ».

Je lis toujours attentivemet la formulation des remerciements en fin de volume, ils disent souvent beaucoup sur le travail de l’écrivain…l’affrontement du découragement, l’acharnement à revenir sur la page, sur la plaie…Guillaume de Fonclare nous dit comment il a organisé, avec celles et ceux qui l’y ont encouragé, son travail d’écriture.

On a dit de la Première Guerre Mondiale qu’elle avait celle au cours de laquelle on a le plus écrit : des lettres, des carnets que l’on republie aujourd’hui…Ce besoin d’écrire est né non pas pour exorciser, mais pour partager avec soi-même… ? Qu’est-ce qui a poussé tous ces soldats à écrire ? Est-ce du même ordre que ce qui pousse de Fonclare vers la littérature ?

Dans un très émouvant passage du livre, l’auteur effectue un retour à l’enfance, à la mort de son père, au chagrin de sa mère…et à la littérature qui l’accueille alors, et console un petit garçon avide de lectures… N’est-ce pas la boucle logique, d’écrire à présent… ?

De Fonclare répond dans ce premier livre, car il y en aura d’autres à n’en pas douter : « La plume me portera et elle me fera tomber tous les masques, elle me fera découvrir l’immensité des mondes insoupçonnés qui dorment au fond de moi »

Edmond Morrel

Quatrième de couverture :

« « Dans ma peau est un texte qui a ses racines dans le premier XXe siècle, au temps où les hommes portaient la moustache et les femmes de larges chapeaux, quand les pétarades automobiles effrayaient les chevaux sur les grands boulevards. Dans les violences d’une guerre à la fureur si nouvelle, un monde s’est abîmé et il ne nous en reste que quelques échos déformés et des images tremblotantes que nous ne comprenons plus. Cette guerre, je la connais bien : je suis directeur de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne, dans la Somme, au cœur des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, là où s’opposèrent troupes britanniques, armées du Commonwealth et Allemands de 1914 à 1918. Et c’est avec mon corps que j’éprouve l’âpreté de l’ancienne réalité des combats ; depuis quatre ans, je souffre d’une maladie qui n’a pas de nom et qui rend chacun de mes mouvements douloureux et pénible, si bien que je ne connais plus de moment de paix et de repos. Il me semble parfois être si près de ceux dont je dis être le témoin que j’en ferai souffrance commune avec ces hommes qui ne sont plus, que mon horizon est sans cesse bousculé d’explosions intimes. Les objets que je côtoie, les uniformes impeccables qui dorment dans les réserves de l’Historial, les fusils comme les montres, les poignards comme les godillots, tout cela résonne de violences assoupies que je crois ressentir à chaque instant. Voilà ce que j’ai essayé de dire et d’écrire ; et l’attention que je me porte serait différente si elle n’était pas le fruit de mon expérience à l’Historial, si elle n’était pas née d’abord d’une empathie pour de plus souffrants que moi » Guillaume de Fonclare