Merveilleux explorateur de la mémoire sensible, Patrick McGuinness nous revient avec un roman-récit dans lequel il évoque la ville de son enfance, de sa mère et de sa lignée maternelle. Homme qui n’appartient à aucun pays (son père, diplomate britannique, lui donne par force l’usage d’un monde sans frontières), il a trouvé sans doute dans l’écriture poétique (sa première vocation) et romanesque les instruments pour se forger une identité d’Arlequin. Avec humour (son côté british) et tendresse (le versant belge ?), il pourrait faire de chaque événement de sa vie une sorte d’enchantement littéraire et poétique. Il avait déjà consacré le sidérant « Les cent derniers jours » à la fin du régime Ceaucescu (il vivait à Bucarest à l’époque et il en a fait la matière d’un récit hallucinant dans le monde absurdement tragique de la dictature du couple Ceaucescu) ; il nous revient aujourd’hui, toujours chez Grasset, avec le récit initiatique d’un retour vers les sensations que peut créer chez un adulte le retour dans le pays d’origine, ou plutôt, dans la ville d’origine. Il s’agit ici de Bouillon dont le lecteur explore les méandres de l’histoire (il y a Godefroid, le croisé, et Degrelle de triste mémoire), du quotidien (vu à hauteur de regard et d’esbaudissement d’un enfant), le passé collectif s’entrelace avec les souvenirs intimes pour nous donner une évocation toute en nuances et en impressions de la nostalgie recomposée avec le coeur dans l’encrier duquel Mcguinness a plobgé une plume alerte, émue, nostalgique et joyeuse. Le livre est un régal pour l’esprit et le coeur. Il donnera à plus d’un l’envie d’aller sur les traces du petit Mcguinness dans les rues de la ville qui a trouvé son héraut.
« Vide-Grenier » est paru aux Editions Grasset dans une remarquable traduction de Karine Lalechère
Edmond Morrel
Fils de diplomate qui a beaucoup voyagé à travers le monde, enseignant à Oxford, Patrick McGuinness a un lieu de mémoire secret. C’est la ville de Bouillon, en Belgique, où se trouve la maison de sa grand-mère. Il y est allé enfant, il n’a cessé d’y revenir, il y retourne à son tour avec ses propres enfants. Bouillon, si proche de Charleville, où Rimbaud a vu le jour, de Sedan, où l’armée française a été défaite par les troupes prussiennes en 1870. Bouillon, ville de deux mille habitants qui a jadis été au cœur de l’Europe et a vu naître le chef du parti collaborationniste belge pendant la Deuxième Guerre mondiale. Bouillon avec son pittoresque de murs où d’antiques « réclames » vantent la Mandarine Napoléon, Bouillon où se parlent deux langues, la flamande et wallonne (« en Belgique, même les moines trappistes doivent choisir dans quelle langue se taire »), bouillon de culture et de rêverie. C’est dans ce grenier de sa mémoire que se nourrit l’imagination de l’écrivain.