Pour son premier roman, Roselyne Durand-Ruel n’a pas manqué d’ambition : ce récit d’initiation brosse le portrait d’un personnage hors du commun, Sin Ming, un de ces « nageurs de la liberté » qui réussit, à la nage, à rejoindre Hong-Kong où son oncle, un « tycoon » de la finance prend en charge la formation qui fera de son neveu l’héritier de son empire. Voilà pour le récit qui entraîne le lecteur de la Révolution Culturelle (dont les parents de Sin Ming sont les victimes) à la rétrocession de Hong Kong à la Chine communiste, en passant par Macao, la France et Princeton.
A chaque étape de cette saga, l’écrivain utilise toutes les ressources du romanesque pour nous immerger dans ce qui devient, au fil des 500 pages du livre, une époustouflante évocation de la confrontation entre les cultures occidentale et chinoise, entre tradition et modernité, entre confucianisme et individualisme. A chaque épisode de la formation de Sin Ming, ce dernier se trouve confronté avec ce qui constitue la base des relations interpersonnelles dans la culture chinoise : ne pas perdre la face. Roselyne Durand-Ruel connaît de l’intérieur les mondes qu’elle décrit, mais elle a surtout une manière idéale de camper les personnages qu’elle met en scène : chacun y est développé avec justesse et trouve sa place dans ce grand échiquier qui couvre un demi-siècle de l’histoire mondiale dont les échos font parfois trembler les pages.
Publié en 2013, « L’héritier » mériterait une diffusion en format de poche en attendant le prochain roman de Roselyne Durand-Ruel qui, pour notre plus grand bonheur, ne compte pas s’arrêter en (si bon) chemin littéraire.
Nous avons assez dit dans espace-livres combien la littérature est un véritable instrument de compréhension de la complexité des choses, des êtres et des destins. Ce roman y réussit idéalement.
Profitant d’un des séjours de la romancière en Europe, nous l’avons rencontrée à Paris.
Edmond Morrel, juillet 2015.
Sin Ming a vingt ans lorsqu’il parvient à fuir la Chine populaire pour Hong Kong. Le jeune homme emporte avec lui, outre la douleur de l’exil et la culpabilité d’abandonner la génération sacrifiée de ses parents, la promesse de réussir à l’Ouest. Mais cette promesse a un prix : à Hong-Kong, Sin Ming est accueilli par son oncle, un puissant homme d’affaires qui l’envoie aux Etats-Unis pour acquérir une culture occidentale dont Princeton est le phare et le levier. Ce dernier ignore toutefois que l’héritier qu’il s’est choisi, en butte aux impératifs contradictoires de la culture occidentale et de la tradition chinoise, n’est pas prêt à sacrifier sa vie au nom des lois du clan et de la réussite.
De la fin de la Révolution culturelle à l’avènement du capitalisme des années quatre vingt-dix, L’Héritier est le grand roman de la Chine contemporaine, de son histoire tragique, de ses réussites exemplaires, de ses traditions millénaires qui font de l’honneur le socle de la stabilité et de la prospérité.