Voici un livre émouvant, qui est un récit transcendé par l’écriture. Voici un livre qui donne en partage l’expérience intime de la confrontation avec la mort du père. Voici un livre qui démontre combien la littérature est exploration du mystère, de énigme de l’autre, et aussi de soi-même.
L’écriture comme l’art en général permet ce passage de l’intime à l’universel parce qu’il transfigure l’expérience personnelle.
Nicole Avril raconte cette mort-là de son père qui lui est occasion de convoquer les souvenirs, de faire revenir à la surface les épisodes que la mémoire fit resurgir pendant l’écriture. Nous parcourons ainsi au fil des mots le destin d’une femme qui se raconte dans ce que Sartre appelait « l’illusion rétrospective ».
Dans le cas de Nicole Avril c’est un coeur battant qui rythme ce travail de la mémoire et qui en fait toute la résonance dans l’intime lecture que nous en faisons.
Un livre à lire en toute empathie.
Edmond Morrel
« J’avais besoin de parler de toi, mon père, et j’ai commencé à parler d’elle, de ta mort. En avais-je le droit ? Je n’écris pas contre l’oubli, aussi longtemps que mon cerveau vivra dans un semblant d’ordre, je me souviendrai. Je n’écris pas pour transmettre une expérience originale, c’est au contraire sa banalité qui la rend à mes yeux extraordinaire. Je n’écris pas dans l’espoir de te retrouver. J’écris pour te trouver. Et peut-être pour me trouver. Je t’ai aimé, je t’ai aimé plus fort et même plus passionnément que je ne l’ai cru, cependant je ne t’ai jamais connu. Tu m’as toujours paru impénétrable. Sans doute chaque père donne-t-il à chaque enfant, à chaque fille, à chaque fille unique, le sentiment d’être une énigme ?
N. A. »