L’année 1939 de Marc Lobet: une immersion jour par jour dans l’année terrible…évoquée par des cinéastes, poètes, romanciers, peintres…et quelques politiques. Un remède idéal et original contre l’amnésie à l’égard de l’Histoire. Rencontre par « zoom » avec le cinéaste et homme de lettres

A l’occasion de la parution se « 1939 » nous avons rencontré le cinéaste et écrivain Marc Lobet pour évoquer avec lui ce livre singulier, paru aux Editions Samsa. Un ouvrage à la fois érudit,inattendu, interactif qui réunit, dans autant d’entrées qu’il y a eu de jours dans cette année terrible que fut 1939, des citations courtes de créateurs du monde du livre, des spectacles, des beaux arts, et des évocations par extraits de presse d’une année pas comme les autres. On y lit des textes « contemporains » de cette année-là, mais également des phrases qui en évoquent, a posteriori, les prémonitions. Plusieurs modes de lectures sont possibles: par dates de prédilection, par auteurs (on se reporte alors à l’index en fin de volume) ou au hasard… Le livre, fort de plus de 340 pages se prête à chacune des approches que le lecteur souhaitera lui accorder. En dernière page, Amélie Nothomb conclut une lettre à Marc Lobet avec une de ces formules dont elle a le secret, et qui, elle aussi permet différentes lectures: « Décidément, il était dit que ce millésime terrible donnerait lieu à des oeuvres exceptionnelles ».

Bien sûr, les esprits chagrins (ou curieux) regretteront l’absence de certains noms comme celui du père de l’auteur, l’écrivain et journaliste Marcel Lobet. On se réjouira d’y retrouver les noms de Jacques De Decker (accolé à ceux de Michel de Ghelderode et Henri Vernes), mais aussi celui de Henri Roanne Rosenblatt, dont la vie a basculé en 1939, lorsque sa mère le confia à une des « kindertransport » qui emmenait les enfants juifs de Vienne à Londres. Il le raconte dans son très beau roman « Le cinéma de Saul Birnbaum » (paru chez MEO Editions). Voici un livre qui mériterait d’être davantage mis en évidence à une époque où l’amnésie règne et où il est toujours bon de piquer la curiosité sur les irréversibles déchaînements de l’Histoire.

Une idée de cadeau de fin d’année à réclamer à votre libraire…

Jean Jauniaux, le 17 novembre 2023.

Pour voir l’interview de Marc Lobet sur la chaîne youtube de « L’ivresse des livres » :

Sur le site de l’éditeur, SAMSA Edition:

« Du 1er janvier au 31 décembre, le présent almanach – mémoire de l’avenir ? – est à lire en continu, les dates formant les blocs de réalité d’un escalier à gravir marche après marche. Il n’y a pas ici de tromperies liées à la fiction laquelle reste dépassée par la réalité. Tout est réel ici. L’imaginaire peut attendre. Il y sera fait moins de place aux faits et gestes politiques et militaires qu’aux nombreux témoignages d’écrivains, de peintres, de musiciens, de cinéastes, de poètes, de savants et  de philosophes tout au long de l’année. Cet almanach se lit comme un roman… »

Marc Lobet, né à Bruxelles en 1939, est un réalisateur belge, diplômé de la Cambre (Bruxelles) où il coréalise Masques avec Jean-Marie Buchet. Il devient chargé de cours de réalisation à l’IAD. Mandaté pour diriger une maison de production (Les Films de l’Orbais), il réalise des émissions pour la télévision, des reportages, de nombreux films ramarqués. Il a reçu le prix Sander Pierron pour son récit Le Naufrage de l’hippocampe. Il est le fils de l’écrivain Marcel Lobet.

Nous l’avions rencontré déjà pour son livre Le naufrage de l’hippocampe paru aux Editions Le Cri. Nous écrivions à propos de ce roman:

 » Dans ce récit, Marc Lobet explore l’énigme de la mémoire. A l’image de son titre vertigineux , – dans le cerveau l’hippocampe gère les processus de mémorisation- le livre est fait d’évocations dont le montage n’est pas sans nous rappeler que Lobet est aussi cinéaste. Ecrit à la deuxième personne du singulier, le texte s’adresse à Luc, un photographe qui rejoint en train la femme aimée. Le narrateur devine ou invente les souvenirs et les rêveries qui viennent visiter le voyageur tandis que son regard se pose sur les paysages traversés, les visages rencontrés, les vies imaginées. Tous les sens sont convoqués à la lecture de ce texte fait de musique, de parfums, d’images, de sensualité. Malheureusement dévoilée par la notice biographique qui figure au dos du livre, la chute du récit donne à ce « naufrage » une vertigineuse et bouleversante mise en abyme. »

Il s’était déjà livré à cet exercice de cartographie littéraire en évoquant cette fois-ci le métier d’acteur, APARTéS . Le comédien Idwige Stéphane écrivait à ce propos:

 » Aspiration, plaisir, désir, amour, haine, gloire, solitude, bref tous les mécanismes subtils des sentiments sont rassemblés en épi pour créer un recueil de la vie d’artiste. Ces apartés sont l’expression d’expériences mémorables, réelles ou imaginaires, glanées puis classées en un regroupement thématique par Marc Lobet qui est certes un homme de plume, un homme de caméra mais aussi un homme de montage. Ceci explique cela.Remarquable travail, j’allais dire d’intuition, que de moissonner tous ces sentiments qui  sont les composantes essentielles de notre esprit. En butinant de-ci de-là dans ce florilège d’émotions, de pensées, de constats, nous pouvons pénétrer dans le jardin secret, non seulement des acteurs mais de la nature humaine. Une récolte à picorer sans réserve ».Idwig Stéphane