Ecoutez Benjamin Spark au micro d’edmond Morrel
Dans la très belle préface qu’il lui consacre dans le livre « Pulp Fusion » (Editions Cercle d’Art), Erro souligne deux caractéristiques du travail de Spark : le sens (et l’exigence) de la composition et la rapidité d’exécution. A chacune de mes rencontres avec Benjamin Spark, que ce soit dans son atelier ou lors d’expositions, j’ai toujours été frappé par une troisième dimension à la fois de l’œuvre, de l’artiste et de son inspiration : la jubilation. C’est aussi dans cette force-là qu’il va puiser lorsqu’il se place devant les grandes toiles vierges, qu’il les examine, qu’il en évalue le potentiel. Comme un sculpteur devant le bloc de pierre, Spark devant la toile pressent le mouvement, l’énergie, la lumière, la couleur, le geste des personnages, la dynamique des mobiles, la grâce des regards, l’érotisme suranné des femmes qu’il démultiplie à partir des Comics américains et italiens.
Lorsqu’on regarde attentivement le court métrage que lui consacre Julien Jauniaux , on est frappé déjà (le film a été réalisé en 2011) par l’énergie physique qui, comme un fluide, passe du regard à la toile dans de vastes élancements du corps, des mouvements des bras et des mains, et l’incessant va-et-vient du regard.
Dans la chronologie du travail de Spark, – il s’est définitivement lancé dans sa carrière artistique il y a 15 ans – , on trouve des constantes (les kaléidoscopes de figures issues des séries populaires de Comics), mais aussi une exploration régulière de nouvelles formes comme le montre la dernière exposition de l’artiste à Bruxelles.
Nous avions rencontré Benjamin Spark en juin 2015 et déjà nous frappait la richesse des lectures que son œuvre dévoile :
« Au fil de cette rencontre, l’artiste évoque le cheminement de son oeuvre, les références dont il se réclame (notamment Erro que nous avions rencontré déjà pour espace-livres) , mais aussi sa manière de pratiquer le « street-pop ».
Attardez-vous sur les détails des oeuvres, prenez du recul, embrassez l’ensemble : chaque fois, comme devant une oeuvre pointilliste, vous aurez une sensation nouvelle. Dans les détails, vous verrez s’entrechoquer des figures de la BD ; avec le recul, vous serez intrigué par l’entrelacement des narrations. Mais quel que soit le point de vue, surgissent chaque fois l’énergie maîtrisée par la fantaisie, la couleur éclatée par le kaléidoscope des fragments, la lumière jaillissant autant de la projection des tags que de l’effet « palissade » (construit à partir de traînées de couleurs monochrome et diaphanes comme des stalagmites ou des repentirs).
Peut-être SpARK est-il en train d’inventer une nouvelle école. Osons un néologisme : le palissad-pop ?
Ecole ou pas, l’artiste manifeste en tous cas une formidable sensation de bonheur. N’est-ce pas aussi une des fonctions de l’artiste dans la société ? »
Quelques années plus tôt, voici ce que nous écrivions d’une première rencontre :
« Lorsque Benjamin Spark parle de son oeuvre, de son inspiration, de sa violence et des personnages de son enfance on entend la voix d’un artiste qui interroge le monde et en désarticule les modes d’expression qui ont nourri sa génération : les bandes dessinées et les super héros de la petite enfance, les personnages des séries animées de la télévision des années 80. De tout cela, il fait son miel et explore des horizons qui deviennent bouleversants, lumineux dans l’entrelacement des couleurs et des personnages où Goldorak, Tintin, Donald s’affrontent sur des toiles qui deviennent des murs de ville taguées, des vignettes géantes de bande dessinée mais sont surtout une magnifique et souveraine déclinaison d’une oeuvre cohérente, inspirée et inépuisable.
Il a la voix souriante d’un artiste qui ressent la nécessité de rechercher sans cesse de nouveaux modes d’expression, de nouveaux formats, de nouvelles matières. Il nous raconte aussi la complémentarité entre le galériste et l’artiste et, avec émotion, la « reconnaissance » que lui a accordée son artiste de référence, Erro. »
Que serait un artiste s’il n’était sans cesse pourchassé par l’énigme de la création ? C’est à cela que Benjamin Spark nous invite en partageant avec son public une sorte d’inépuisable joie à se laisser porter par la fantaisie lumineuse d’un créateur de son temps.
Edmond Morrel, Bruxelles, le 4 juillet 2017
Exposition du 22 juin au 31 août 2017
Sofitel Brussels Le Louise
40 avenue de la Toison d’Or,
1050 BruxellesInterviews réalisées par Edmond Morrel