Au premier trimestre de l’année 2020 les Editions Jacques Brémond, publient la « Lettre d’Atonie » qui figure dorénavant dans une collection intitulée « Les petites lettres ». Dans le catalogue de celle-ci on trouve, comme dans un inventaire à la Prévert, des courriers qui nous ont d’emblée donner l’envie d’y aller voir de plus près . Ainsi avons-nous repéré : Lettres de la pluie (de Robert Piccamiglio), Lettre au silence (Claude Held), Lettre à Saint Glinglin (Roland Nadaus), Lettre aux lunes des loups (Pierre Descamps) et bien d’autres dont nous vous invitons à découvrir le répertoire sur le site de la maison d’éditions (maison qui mériterait à elle seule un long article! Nous y reviendrons.).
Le livre est de petite taille (5 x 3 centimètres). Il est protégé sous une couverture de papier artisanal, ornée d’une (magnifique) encre de Robert Lobet. Des fragments d’auteurs comme Henri Michaux (Garde intacte ta faiblesse) ou Anne Perrier (Asseyons-nous au milieu des airelles/Simplement pour aimer leur dire/leur beau nom d’air qui ruisselle.) pour ne citer que ceux qui ouvrent et ferment le livre, accompagnent la lecture de ces Lettres d’Atonie.
Dans celles-ci, la poète renoue avec la prose pour explorer en fragments courts les sensations et sentiments qu’a inspiré à la narratrice, la traversée d’une hospitalisation. On ne sait quelle opération devait subir celle qui nous donne ces lettres à lire, mais chacune des étapes de l’hospitalisation donne lieu à une évocation brève développée ensuite dans la sensation qu’elles procurent( angoisse, peur, appréhension, incompréhension) et dans cet oppressant environnement de l’hôpital, depuis le réveil de l’anesthésie (Je vis encore) jusqu’à la délivrance et le retour à la vie (Je vous écris dans la saveur renouvelée de l’écriture des autres, la lecture gourmande, des mots qui sourdent, jaillissent avec une ardeur inespérée. j’écris à l’instant.) Le livre s’achève sur le premier poème de cette résurrection. Tendre à travers mots une main/et traverser la nuit sans mourir. Entre ces deux étapes, Colette Nys-Mazure va au plus près de l’observation objective, renouant ainsi avec certains récits autobiographiques qui enchantent les lecteurs depuis leurs premières parutions. Malgré l’intimité à laquelle l’auteure nous invite, jusqu’au plus proche, son écriture élève l’expérience individuelle dans cet espace ouvert où il peut se partager: la littérature, la poésie, l’art n’ont-ils pas avant tout cette fonction du partage. La solitude se brise dans la générosité du témoignage et la transfiguration par la poésie. Stendhal disait que le roman est « un miroir promené le long des chemins » . Ne pourrait-on dire de l’oeuvre de Colette Nys-Mazure, qu’elle est ce miroir bienveillant d’un regard tourné vers le lecteur malgré l’angoisse, la panique, les ténèbres et ses terres nauséeuses (..) lorsque la douleur éperonnait le corps innocent.
La littérature nous aide à nous sentir moins seuls au monde, en formulant ce qui nous accable et que nous croyons êtres seuls à subir. Avec ces Lettres d’Atonie la poète confirme cette inestimable faculté des lettres… Celle-ci décuple ses effets dans un livre d’art, manufacturé avec bonheur par un remarquable travail d’artisanat qu’évoquent aussi les caractères typographiques qui creusent la feuille de sillons bénéfiques et nourriciers.
Jean Jauniaux, le 5 mars 2021.
Sur le site des Editions Jacques Brémond:
Colette Nys-Mazure, née à Wavre en Belgique, vit à Tournai. Elle a publié de nombreux ensembles poétiques pour la plupart épuisés et repris dans l’anthologie Feux dans la nuit (Espace Nord), des nouvelles (Tu n’es pas seul, Albin Michel), romans et essais (L’Enfant neuf, Seuil points ; La Vie poétique, j’y crois, Bayard)). Elle écrit volontiers pour la jeunesse, autour de la peinture. Ses livres sont traduits en de nombreuses langues. Elle s’efforce de vivrelirécrire jour après jour. En 2020 elle a publié, outre Lettre d’Atonie chez Jacques Brémond, Le jour coude-à-coude avec les dessins de Camille Nicolle à l’Esperluète et Chaque aurore te restera première avec les aquarelles d’Anne Le Maître à l’Atelier des Noyers.