Carême, cet initiateur

On ne dira jamais la dette que l’on doit aux premiers qui nous ont invités à la lecture, à cette opération magique de formulation du réel pour mieux l’élucider. De nos jours, Mrs Rawlings, la créatrice de Harry Potter, a réalisé l’exploit gigantesque, parce qu’apparemment anachronique, de passionner des millions et des millions de jeunes, parfois très jeunes lecteurs, avec le livre en un temps où l’on prétend que sa survie serait menacée. Il sera intéressant de voir ce que seront les retombées dans la société de demain de cette gigantesque absorption de mythes gothiques véhiculés par les exploits du petit magicien à lunettes et de ses camarades. Il n’est pas exclu que les aventures d’Harry Potter auront préservé nos futurs adultes d’un excès de matérialisme et les auront familiarisés avec la probabilité d’une réalité seconde.

Aussi étrange que cela puisse paraître, Maurice Carême est un écrivain de cette famille. Poète belge, brabançon wallon, wavrien plus précisément, installé dans sa maison blanche à lui dans l’un des faubourgs les plus célèbres de Bruxelles, mais davantage connu par son équipe de football que par le fait qu’Erasme y ait quelques temps séjourné, je veux parler d’Anderlecht, Maurice Carême est non seulement l’un des grands ambassadeurs de la langue française, mais l’un des rares poètes connu aux quatre coins du monde pour sa capacité d’initier les enfants à l’alchimie des mots. La simplicité de sa langue, ciselée au départ d’un vocabulaire élémentaire, d’une syntaxe cristalline, est le premier atout de cet enchanteur qui a appliqué généreusement le précepte de Lautréamont qui disait que la poésie devait être faite par tous et non par un.

Le recueil posthume, paru récemment à l’enseigne de l’Age d’Homme à Lausanne, par cet éditeur hors du commun qui vient de succomber à un accident fatal, Vladimir Dimitrijevitch, nous en fait une fois encore souvenir, comme la lumière tombée d’une étoile morte qui a pu bénéficier des soins d’une autre étoile éteinte, au firmament de l’édition celle-là.
Pour diverses raisons, ce livre risque fort de passer parfaitement inaperçu. Il est parfait cependant, tant les pages de ces « Souvenirs » nous parlent de joies et de peines essentielles, dont la société de consommation s’évertue à nous éloigner. Cette poésie a la grâce, vertu que tout poète, fût-ce malgré lui, voudrait conquérir tout en n’y parvenant que très rarement.

Chez Carême, on dirait que le charme agit continûment, comme chez ces poètes orientaux, artisans patients, artistes inspirés, qui nous font redécouvrir, par le seul pouvoir d’humbles vocables, des vérités de tous les âges.

Jacques de Decker

Les « Marges » s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des « Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri » interprétées par Eliane Reyes

Le disque réunit les oeuvres suivantes :
Prélude et fugue, Op. 91
Sonate n° 2
Suite baroque n°1
Arioso baroccp e fuga monodica a due voci
Deux esquisses lyriques, Op. 13
Petit prélude
L’enfance de l’art, Op 69
Petites variations sur un thème dodécaphonique, Op 69

Référence : NAXOS 8.572530