Lorsqu’un roman graphique hypnotise son lecteur, quel que soit son âge, c’est sans doute parce que l’art de la bande dessinée peut exprimer au plus près du coeur les émotions silencieuses, les instants fragiles et éphémères dont la trace subsiste tout en devenant invisible au fil des années. « Macaroni ! » nous raconte un de ces moments fondateurs qu’il restitue avec grâce et nostalgie. L’histoire qui nous est racontée par Zabus, -le séjour forcé d’un adolescent chez son grand père mutique -, et sublimée par le dessin de Campi, devient, dès les premières cases, le support d’un voyage initatique dans les territoires du non dit, des secrets de famille, des silences solitaires. L’adolescent, Romeo, finira par apprivoiser son grand-père, immigré italien des années cinquante dans les charbonnages belges. Petit à petit, le grand-père va raconter le secret qui a fracassé le rêve de sa vie. Récit de la transmission, « Macaroni ! » nous transporte comme une longue phrase-spirale de Proust dans l’exploration de ces liens qui nouent entre elles les générations. A le relire, à s’attarder davantage aux dessins, aux expressions des personnages, aux détails des lieux de leur vie, on est étreint par une émotion rare : celle que procurent les grands récits au rang desquels s’inscrit ce livre essentiel.
Edmond Morrel, Bruxelles 31 mars 2016.
Nous avons rencontré Zabus et Campi à Bruxelles. L’interview de Campi s’est déroulée en italien.
« Le vieux chiant », c’est comme ça que Roméo appelle son grand-père. Alors, quand il apprend qu’il va devoir passer quelques jours avec lui à Charleroi… c’est une certaine idée de l’enfer pour le gamin de 11 ans. Cette semaine sera pourtant l’occasion de lever le silence qui pèse sur des hommes de trois générations.
Un récit humain et touchant qui nous parle de l’immigration italienne, du travail des mineurs et du difficile accouchement de la parole quand, une vie durant, on a été habitué à se taire.
Thomas Campi est né en Italie le 8 décembre 1975.
Diplômé de l’école d’art « Dosso Dossi » en 1994, il démarre sa carrière comme illustrateur et graphiste à l’agence de publicité Taibi & Taibi, en illustrant des textes pour les éditions Zanichelli. Trois ans après, il rejoint le Studio de Gerlano Bonazzi et Roberto Zaghi (deux auteurs de BD italiens travaillant pour l’éditeur Bonelli). La même année, il publie son 1er comic book « Mem the seeker » (scénario de Stefano Vietti pour Comics&Dintorni). En 1999, il a commencé à illustrer les aventures de la populaire criminologue « Julia », créée par Giancarlo Berardi, pour les éditions Bonelli.
En 2008, parallèlement aux suites de « Julia », il réalise l’adaptation en BD de « Guerre et Paix » de Tolstoï (scénario de Brémaud, publiée par Adonis/Glénat).
C’est en 2010, qu’il démarre sa collaboration avec le scénariste belge Vincent Zabus, avec « Les petites gens » aux éditions du Lombard.
En 2011, il participe au projet de charité « Magnitude 9 », un recueil d’illustrations dédiées aux victimes du tremblement de terre au Japon (éditions Ankama).
En 2014, il fait partie des nominés de SPECTRUM 21. C’est le seul artiste européen dans la catégorie BD !
Alors qu’il vient d’achever « Les larmes du seigneur afghan » (avec Vincent Zabus et la grand reporter Pascale Bourgaux au scénario) dans la collection Aire Libre aux éditions Dupuis, Thomas commence déjà un autre projet avec Vincent Zabus…
Zabu
Je suis né le 8 mai 1971 à Namur en Belgique. Je suis un petit garçon rêveur, distrait et plutôt maladroit. À 10 ans, je commence à lire un roman d’Agatha Christie. Après 10 pages, je m’arrête pour en écrire la suite. À l’adolescence, j’adore acheter de vieilles machines à écrire sur lesquelles je fais semblant de dactylographier des romans. À 18 ans, je m’inscris en philologie romane puis en journalisme parce que ce sont les études qui me semblent préparer au mieux au métier d’écrivain. La suite m’apprendra que c’est tout le contraire ! J’ai dû désapprendre tout ce qu’on m’avait mis dans la tête. Après mes études, j’envoie des tas de projets de BD systématiquement refusés par tous les éditeurs. Je deviens prof de français. Je fais du théâtre dans le cadre de mes cours et c’est le coup de foudre ! Je me mets à jouer et à écrire pour le théâtre quasiment jour et nuit. J’arrête le métier de prof pour devenir comédien et auteur de théâtre professionnel. Puis, l’envie de faire de la BD revient, je publie quelques histoires courtes dans SPIROU. Je reprends confiance et plein de projets jaillissent. Denis Lapière m’ouvre les portes de sa nouvelle collection. Aujourd’hui, je suis un adulte rêveur, distrait et plutôt maladroit (ce qui fatigue un peu ma femme) qui a la chance de jouer au théâtre le soir et d’inventer des histoires la journée.