« L’heure du conte » de Michel Joiret aux Éditions M.E.O.

Les Éditions M.E.O. font paraître le dernier roman en date de l’écrivain, essayiste, poète et romancier Michel Joiret. À l’enseigne de la maison dirigée par le romancier Gérard Adam, Joiret a publié ses cinq derniers ouvrages. Deux d’entre eux ont été célébrés par des prix littéraires. Madame Cléo a été lauréat du Prix littéraire du Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles (ce terme désigne la Belgique francophone); Stella Maris a reçu le Prix Mons’Livre, décerné chaque année lors de l’incontournable fête du livre créée et dirigée par Catherine Hocquet dans la capitale du Hainaut.

L’occasion nous est donnée ici de rappeler que Michel Joiret est également poète, mais aussi un essayiste empathique et érudit, à qui nous sommes redevables de six ouvrages dont cinq consacrés à la littérature belge de langue française, le sixième invitant à Lire Marcel Proust aujourd’hui (paru chez M.E.O. en 2009). Sur le site de l’auteur, on lira que l’écrivain, né en 1942, peut se prévaloir d’une œuvre bien plus ample que ce qui apparaît dans la rubrique « Du même auteur » de son dernier livre: on y trouvera des conférences, des pièces de théâtre, des chansons, une revue littéraire qu’il anime et dirige depuis un quart de siècle (« Le non-Dit »).

Avec L’heure du conte Michel Joiret utilise le genre romanesque pour, avec son narrateur Aurélien Delevert, laisser venir à la surface de la mémoire du vieil homme les souvenirs fugaces de l’enfance. Il s’abandonne au « trouble de l’âge » qui guide le cheminement de sa rêverie dont les escales sont liées à la grande Histoire (l’incendie du dôme du Palais de justice de Bruxelles, l’occupation, les restrictions alimentaires). A trois ans l’enfant vit la Libération, à sept ans il « bénéficie » d’un séjour en colonie de vacances où les « enfants de la guerre » étaient envoyés pour s’oxygéner. L’enfant « a donc été embarqué dans un méchant autocar, bondé de jeunes fripouilles en mal de bon air »…

En alternant l’évocation de l’enfance et celle du grand âge, Joiret donne à son personnage cette fragilité volontaire qu’intensifie cette « dissociation spatio-temporelle et sensorielle » diagnostiquée suite à un malaise d’Aurélien Delevert. De cette faiblesse, le personnage fait une nouvelle force, invisible aux autres , incompréhensible aux yeux des voisins ou des policiers qui s’inquiètent ou s’indignent des excentricités du vieil homme. La musique (Corelli) qu’il écoute dérange, l’attachement qui le lie à une fillette et à sa mère (Fabrizia et Maria) crée de la suspicion. Mais le vieil homme n’en a cure…

Quant à l’heure du conte, elle est à la fois le titre du roman, mais aussi cet instant sacré où la petite Fabrizia réclame son histoire. Et Aurélien de retrouver la grâce de l’imaginaire, pour le plus grand bonheur de la fillette et du lecteur de ce roman qui referme le livre en écoutant, comme le personnage, la musique de Corelli .

Jean Jauniaux, le 18 août 2024.

Nous avions interviewé Michel Joiret à différentes reprises. Ces entretiens sont toujours accessibles sur le site d' »Espace-Livres », notamment celui consacré au roman « Le carré d’or » , à la revue Le Non-Dit, au roman « Madame Cléo » ,